En quelques jours, depuis l'apparition du premier cas de coronavirus en Algérie, le niveau d'alerte est vite passé à l'échelle 2, suivant la classification établie par l'OMS (Organisation mondiale de la santé). Selon les dernières statistiques officielles du ministère de la Santé, il a été enregistré jusqu'à hier 72 cas de contamination au Covid-19, répartis sur 11 wilayas, et 6 décès. Face à la propagation de la maladie à travers le pays qui s'avère difficile, sinon impossible à contenir du fait de la mobilité de la population, et de l'inconsistance du dispositif sanitaire mis en place, l'Algérie a adopté une attitude plutôt défensive, «pacifiste» contre cette maladie durant les premières semaines de l'intrusion du virus sur notre sol. Les projecteurs étaient braqués sur la wilaya de Blida, foyer des premiers cas contaminés, sous-estimant la capacité de nuisance et de propagation rapide du virus à d'autres wilayas. Il est vrai qu'il ne s'agit pas d'une banale épidémie, mais bien d'une pandémie qui a ébranlé la planète tout entière, y compris des pays nantis et puissants, pour attendre des pouvoirs publics des miracles. Mais à la différence des pays qui nous ont précédés dans le malheur de ce virus coriace, l'Algérie a le précieux avantage de disposer de leurs expériences, qui pouvaient être mises à profit pour mieux cibler nos actions et éviter des erreurs et des tâtonnements qui se paient en vies humaines. Cela nous aurait fait gagner du temps, de l'argent et une meilleure visibilité dans le plan de lutte contre cette maladie. D'une certaine manière, les autorités algériennes se sont laissées piéger par leur approche séquentielle, mécanique, attentiste du plan de lutte contre le coronavirus mis en œuvre, en s'astreignant à une discipline qui incline à la passivité face à un défi qui recommande une attitude offensive qui bouscule les codes et les normes de gestion usuelles. En se conformant avec une rigueur pédagogique de bon élève aux recommandations de l'OMS sur l'articulation et l'enchaînement des 3 phases de l'évolution de la maladie, le plan national de lutte contre ce virus a manifestement péché par une absence d'anticipation, de prospective. Face au virus, on s'est retrouvé dans un rapport d'action-réaction. Le passage d'une phase sanitaire à une autre, de la phase 1 à la phase 2, dans laquelle nous sommes aujourd'hui, a obéi à une logique statistique froide qui bride l'initiative et ne favorise pas une action publique de crise de nature à combattre efficacement un virus que la science n'a pas encore réussi à neutraliser. Les dernières mesures prises par le gouvernement de suspension des vols et des dessertes maritimes, de fermeture des frontières terrestres, des écoles, des mosquées, de gel des compétitions sportives et des activités culturelles, d'interdiction des rassemblements, les opération de désinfection des rues, des moyens de transport auraient pu avoir sans doute un meilleur impact, si elles avaient été initiées plus tôt. D'autant que l'on savait, dès le premier cas de contamination, d'où nous vient le virus. Lors de son discours à la nation, mardi, le président Tebboune avait tenté de rassurer la population en soulignant que l'Etat est prêt à faire face à la phase ultérieure ultime de la maladie ? Les échelles d'appréciation du risque sanitaire du coronavirus varient selon le degré de performance et l'efficience du système de santé de chaque pays ainsi que la maîtrise de la cartographie de l'épidémie du coronavirus. Devant la vitesse avec laquelle le virus se propage en Algérie, beaucoup se demandent pourquoi la phase 3 d'alerte maximum qui impose le confinement de la population n'est pas enclenchée. D'autant que la probabilité d'un tel scénario est forte, quand on analyse l'évolution de l'épidémie. Il est vrai que l'Algérie n'a pas les moyens organisationnels d'une telle opération. Mais quand il s'agit de vies humaines à préserver, il faut se donner tous les moyens et tenter l'impossible. Dans les pays qui se trouvent aujourd'hui dans cette posture, le débat fait polémique. Chez nous, à force de tergiverser comme on l'a fait avec la question de la fermeture des mosquées et de se complaire à faire parler des chiffres qui ne veulent rien dire, tant la maladie est invisible, les moyens de dépistage insuffisants pour avoir une idée plus précise de l'ampleur de l'épidémie, le jour où l'on envisagera le confinement de la population, il sera peut-être trop tard.