Trois ans après l'éclatement du scandale de la Générale des concessions agricoles (GCA), le dossier va être réexaminé, aujourd'hui, par la chambre d'accusation près la cour de Ouargla, apprend-on de source judiciaire. Il venait d'être traité par la Cour suprême, auprès de laquelle des pourvois en cassation ont été introduits par certains prévenus pour contester les qualifications des faits par le juge d'instruction. Cette affaire, qui avait éclaté en juillet 2007 à Djelfa, avait finalement été transférée au pôle judiciaire spécialisé à la cour de Ouargla, vu son importance et ses ramifications dans plusieurs régions du Sud. Après une longue instruction, le juge a retenu de lourdes accusations relevant plutôt de la criminelle que de la correctionnelle. Ce que de nombreux prévenus avaient contesté auprès de la Cour suprême et obtenu, pour quelques-uns d'entre eux, gain de cause. En détention provisoire depuis 3ans Aujourd'hui, la chambre d'accusation va statuer définitivement sur le sort d'une vingtaine d'entre eux qui sont en détention provisoire depuis 3 ans, parmi lesquels Fayçal Noredine, directeur général de la GCA, les directeurs régionaux de Ouargla et de Djelfa ainsi que des entrepreneurs et des commerçants. Il est important de rappeler que cette affaire avait fait l'effet d'une bombe en juillet 2007, lorsqu'elle a éclaté à la suite d'une lettre de dénonciation anonyme, adressée aux plus hautes autorités du pays. L'enquête menée par la Gendarmerie nationale n'avait en fait dévoilé que la partie visible de l'iceberg. Il a fallu dépêcher une mission d'inspection de la Cour des comptes, suivie d'une autre de l'IGF pour que le pot aux rose soit découvert. Ce qui devait être un outil d'aide au développement de l'agriculture, notamment dans les régions du Sud, s'est avéré être une tirelire dont ont profité des barons de l'importation d'équipements agricoles et des entrepreneurs véreux. Plus de 40 milliards de dinars ont été dépensés dans des projets, dont plus de la moitié n'a pas été réalisée, et même le financement d'opérations de fourniture de semence de pomme de terre et d'engrais, pourtant non éligibles au fonds de mise en valeur et ce en violation totale avec les procédures légales en vigueur. Les bénéficiaires sont en majorité des sociétés qui activent dans les régions de Ouargla, Ghardaïa, El Oued et Laghouat. Certains bénéficiaires se retrouvent à la tête de plusieurs sociétés, et détiennent ainsi le monopole sur le programme de la mise en valeur des terres (par la GCA), notamment à Ouargla, El Oued et Ghardaïa. Le reppoprt de la cour des compte Eux-mêmes ne sont en fait que des prête-noms de hauts fonctionnaires de l'Etat. Ils ont eu droit, et pendant des années, à des contrats dits « clé en main », c'est-à-dire la réalisation de l'ensemble des actions des projets d'amélioration foncière, d'ouverture des pistes, de réalisation de forages, de bassins et de réseaux d'irrigation ainsi que la plantation de palmiers et la fourniture des équipements, dont l'enveloppe financière dépasse largement une dizaine de milliards de dinars. A elle seule, une de ces sociétés a bénéficié d'un plan de charge de plus de 3 milliards de dinars pour des projets jamais réalisés, ou dont les travaux ont à peine été entamés. Le rapport de la Cour des comptes a fait état de sommes irrégulièrement perçues ou détenues par des particuliers dans le cadre du programme financé sur le fonds de développement agricole, en affirmant avoir constaté des doubles paiements de travaux, des règlements de montants ne correspondant pas aux volumes réels des travaux réalisés, de trop-perçus sur les rémunérations de la GCA et la détention irrégulière d'avances. La Cour des comptes a également constaté la détention irrégulière par des entreprises privées d'avances forfaitaires ou sur approvisionnement et dont certaines datent de 1999. Le rapport avait relevé que les responsables de la GCA « ont rarement recouru à l'appel à la concurrence, se contentant plutôt de la pratique du gré à gré, simple dans l'attribution des marchés à des entreprises ne disposant souvent pas, a priori, des capacités financières, matérielles et techniques à même d'exécuter les travaux spécifiques qui leur ont été confiés dans les meilleures conditions de délais et de qualité ». La Cour des comptes est arrivée à une conclusion édifiante. « Ces marchés ont été, à l'évidence, décidés dans le but d'assurer aux entreprises privées un plan de charge plutôt que de répondre aux besoins des différents projets retenus. » D'ailleurs, la majorité du matériel acquis entre 2001 et 2004 demeure non utilisé et reste en souffrance au niveau de certaines APC et de ce fait exposé au vol. « Une situation qui a causé, selon le rapport, un énorme préjudice au développement agricole de la région mais également aux deniers publics. » Comment des fonds aussi colossaux sont-ils distribués sans aucun contrôle de l'autorité publique ? Comment expliquer que des sociétés privées sans aucune expérience ou savoir-faire, parfois créées la veille de la signature des contrats, puissent-elles avoir le monopole sur le financement de projets aussi importants que ceux entrant dans le cadre du développement de l'agriculture ? Autant de questions auxquelles la justice n'a pu à ce jour donner de réponses et il n'est pas exclu qu'elle ne donnera jamais de réponse dans la mesure où parmi ceux qui ont profité de cette manne financière, des noms de personnalités de l'Etat, comme celui de l'ancien président de l'Assemblée nationale, Amar Saïdani, ont été cités mais n'ont jamais été inquiétés. Il est important de préciser que la société El Karama, dont on sait qu'elle appartient à cet ancien responsable, a été parmi les entreprises qui avaient le monopole sur les projets de mise en valeur. Une réalité amère, surtout lorsqu'on sait qu'un agent de saisie accusé de faux et usage de faux, parce qu'il a saisi un document, est en prison depuis trois ans. La GCA, victime de ses gestionnaires L'affaire de la GCA revient cette semaine et il est probable qu'elle soit renvoyée aujourd'hui devant le tribunal. Un fait intrigant mérite néanmoins d'être cité. Durant ces trois années d'instruction, la GCA n'avait pas de représentant pour défendre ses intérêts devant la justice. Elle a fini par perdre tous les procès intentés contre elle par des entrepreneurs qui lui réclamaient le paiement de leurs situations, dont la plupart prêtaient à équivoque. Elle a déjà payé une somme de près d'une dizaine de milliards de dinars, alors que tous ses biens et équipements risquent d'être saisis. L'on se demande si cette situation n'a pas été délibérément provoquée pour détourner tous les biens de ce fonds. La question reste posée…