Depuis plusieurs mois, on assiste à un ballet incessant de délégations européennes de haut rang issues de pays de la rive nord de la Méditerranée en visite dans notre pays : France, Espagne, Italie. Le timing de ces visites a coïncidé avec le flux des harraga qui s'est intensifié ces derniers jours, suscitant des craintes supplémentaires dans les capitales européennes en rapport avec la crise sanitaire. Pour des considérations de convenances politiques et diplomatiques évidentes, la question sensible des harraga s'invite presque par effraction dans les discussions politiques\; elle est diluée dans l'agenda des visites officielles. Pour leur part, les autorités algériennes, qui se seraient bien passé de ce type de contentieux qui n'est guère valorisant pour l'image du pays, se prêtent bien volontiers à cette approche globale de la coopération… Même si du point de vue du droit et de la légalité, on ne peut légitimement pas reprocher à un pays souverain de lutter contre l'immigration clandestine – l'Algérie le fait aussi avec les Subsahariens –, il demeure que l'aspect humanitaire lié au traitement de ce phénomène doit prévaloir en toutes circonstances face à la détresse humaine. Le traitement inhumain réservé aux infortunés immigrés clandestins, qui auront échappé à la mort et dont le voyage prend fin dans les centres de rétention, en attendant la mesure fatale d'«éloignement du territoire», s'est presque banalisé et n'émeut plus la classe politique traditionnelle bien pensante. La crise économique et la montée des courants nationalo-populistes en Europe ont achevé de déshumaniser les états-majors politiques au pouvoir. A telle enseigne que l'on est arrivé, par un raccourci politicien qui renseigne sur le chantage politique éhonté auquel on se livre de l'autre côté de la Méditerranée, à recourir à l'instrumentalisation de l'immigration clandestine pour faire pression sur les Etats du Sud en vue de rapatrier leurs ressortissants visés par des mesures d'expulsion. La France vient de passer à l'acte en décidant de restreindre le quota de délivrance des visas, particulièrement aux Algériens (!!!), hors les voyages d'affaires et d'études. C'est un engagement personnel du président Emmanuel Macron, a révélé lundi le ministre de l'Intérieur français, Gérald Darmanin. Ce levier de la restriction de la mobilité des personnes comme moyen de lutte contre l'immigration clandestine vient s'ajouter à d'autres mécanismes institutionels, à l'instar de l'agence Frontex chargée de la surveillance des frontières et des côtes de l'espace Schengen créée par l'Union européenne en 2004. Pour quels résultats\? Force est de constater que tous ces outils de prévention et de répression mis en place en amont, mais aussi en aval, à travers la criminalisation du phénomène, comme c'est le cas en Algérie, ne sont pas parvenus à endiguer le mal. Parce que, d'un côté comme de l'autre, on n'a pas su ou voulu apporter les vraies solutions au problème de l'immigration illégale. A savoir le respect du sacro-saint principe de la liberté de circulation accordée de façon sélective par les capitales occidentales et, en interne, offrir un cadre de vie décent, où règnent la démocratie et les libertés qui nourrissent les fantasmes de l'exil des populations de la rive sud de la Méditerranée. Advertisements