A chaque fois qu'un nouveau ministre arrive, il établit une nouvelle feuille de route. Et rebelote. Ce qui se traduit par une perte de temps, mais aussi d'argent au moment où le besoin de diversifier l'économie devient de plus en plus urgent au même titre que celui d'accélérer le processus des réformes. Des réformes qui n'atteignent jamais la phase cruciale de leur mise en œuvre. «Elles sont vite réorientées ou recadrées en fonction des nouveaux contextes établis à chaque mouvement de remaniement», nous dira à ce sujet Omar Hemissi, spécialiste en sciences de gestion (lire l'entretien). Il arrive même que certains ministres font de tel ou tel dossier leur cheval de bataille sans se baser sur la stratégie globale. Ce qui s'est passé avec Ferhat Ait Ali dans le dossier de l'automobile illustre clairement ces atermoiements. D'ailleurs, le départ d'Ait Ali était prévisible. «Le secteur a axé sa communication grand public sur un seul dossier, à savoir l'importation des voitures qui malheureusement relève du commerce, puisqu'il s'agit d'une revente en l'état. L'industrie qui, pour le dire, est le parent pauvre de notre structure économique, elle ne participe à moins 6% du PIB dans les meilleurs des cas et cette situation dure depuis 1995 soit 26 ans. Durant toute cette période, aucune politique industrielle n'a vu le jour et aucune branche n'a fait l'objet d'analyse approfondie pour la placer en locomotive de ce secteur permettant de le relancer», fera remarquer Mohamed Badis. Il reste à savoir si cette fois sera la bonne même si un ministère dédié à l'Economie continue à briller par son absence et être partagé entre plusieurs départements. Succession de «feuilles de route» Dix, dans le premier Exécutif de Tebboune avant d'être réduits ou fusionnés la semaine dernière. Ce qui pose de nouveau le problème de l'absence de cohésion et de coordination. Mais aussi des tergiversations et de chevauchements dans les décisions. Ils sont nombreux d'ailleurs les dossiers (foncier industriel, foncier agricole, exportations, dossier de l'automobile...) à «traîner» d'un ministère à un autre sans être pris en charge de manière efficace faute de cohésion et de coordination entre les différents ministères. Ce qui vient rappeler la problématique de la gouvernance économique en Algérie. Ce qui se reflète tant au niveau gouvernemental qu'à l'échelle des entreprises publiques dont le management est souvent déstabilisé avec les changements récurrents des responsables. C'est une réforme également en stand by encore une fois en raison de toutes ces turbulences autour de l'environnement politique et socioéconomique. Après un bref retour, la prospective est de nouveau éjectée du gouvernement. Mis en place le 23 juin, le ministère délégué chargé de la prospective a disparu de l'organigramme de l'Exécutif à l'issue du dernier remaniement. Mohamed Chérif Belmihoub n'a eu au final que huit mois pour tenter «de mettre en place une démarche prospective» mais sans résultat. Avec ce changement donc, c'est la gestion du conjoncturel qui continuera à l'emporter sur le long terme. Sans surprise, voilà qu'on assiste encore aujourd'hui à la faveur de ce «réajustement» gouvernemental à un changement de responsables à la tête des départements économiques et non à un changement de démarche. La pratique consiste, en effet, depuis quelques années, bien avant l'arrivée d'Abdelmadjid Tebboune comme chef d'Etat, à remanier légèrement le gouvernement en moyenne deux fois par an sans donner le temps aux ministres installés de mettre en œuvre les programmes pour lesquels ils ont été installés. Des ministres nommés pour services rendus lors des campagnes électorales et limogés aussitôt pour laisser place à d'autres clientèles. Advertisements