L'épreuve de force engagée par le hirak contre le pouvoir après son retour, plus revigoré, sur le terrain de la contestation, a conduit ce dernier à battre le rappel de ses troupes dans une ambiance martiale de mobilisation générale pour faire face à l'«adversité». La perspective de la tenue, prochainement, des élections législatives et des assemblées locales a accéléré le processus de mise en œuvre de la feuille de route politique du pouvoir. Après la démonstration de force de la manifestation du 22 février dernier du hirak, confirmée par les autres marches qui ont suivi, convaincu plus que jamais que le hirak ne pourra jamais être un allié, en dépit de ses tentatives de courtiser sa base militante dite «originelle» qui n'existe que dans son imaginaire, le pouvoir s'est rendu à l'évidence qu'il ne pourra désormais compter que sur les siens. C'est le sens de la fébrilité qui a caractérisé la vie du sérail au cours de ces derniers jours, où le ton a été donné quant à la démarche politique sur laquelle le pouvoir compte s'appuyer pour concrétiser son projet alternatif au hirak, visant la perpétuation du système ancien, sous un visage formellement démocratique. La mise en place, lundi dernier, d'une organisation regroupant des associations de la société civile baptisée Nida El Watan – dans un dessein évident de jouer sur la fibre patriotique des citoyens – dont beaucoup sont connus pour leur proximité avec le système ancien et nouveau, répond à cette préoccupation majeure du pouvoir visant à se doter d'une rampe de lancement, en prévision des prochaines échéances électorales. Le pouvoir a besoin de sherpas pour porter son projet, dans une expédition qui se présente hardie et qui peut lui réserver bien des surprises, face à un environnement politique et social hostile, incertain, bouillonnant, de nature à lui fausser tous ses calculs. En boycottant encore une fois massivement les urnes avec le risque de décrédibilisation de ce scrutin et du Parlement qui en sortira ou en se faisant doubler par des candidatures aux législatives sur lesquelles il n'aura aucune emprise à l'épreuve de la nouvelle législature. Avec ce nouveau-né, Nida El Watan, le système pense pouvoir se donner les moyens de sécuriser politiquement et électoralement le prochain scrutin en s'assurant une majorité qu'il compte puiser, prioritairement, du mouvement associatif, courtisé comme aucun gouvernement ne l'avait jamais fait auparavant, en lui taillant un costume de circonstance à la faveur de la dernière révision constitutionnelle et, accessoirement, dans les voix électorales, en survivance, de ses clientèles traditionnelles que sont les partis de l'ancienne alliance présidentielle de Bouteflika, aujourd'hui tombés en disgrâce politique et rejetés par la rue, et des autres formations de substitution qui soutiennent le projet politique du pouvoir. En pariant sur la société civile acquise à sa vision de «l'Algérie nouvelle» et dont il reste à évaluer le poids et la représentativité dans la société, le président Tebboune cherche à se donner une majorité parlementaire à moindre frais, au nom du renouveau du mode de gouvernance, en faisant l'économie en termes de redevances politiques lourdes à supporter dans le cas d'alliances partisanes. Sauf qu'il est parfaitement établi que le consensus politique, bâti sur des intérêts sectaires au détriment des principes et des valeurs de conviction, fragilise l'action et la cohésion de l'Exécutif, favorise le règne de la médiocratie et de l'incompétence. Un nouveau coup d'épée dans l'eau ? Advertisements