S'il y a un job qui n'est pas du tout enviable, c'est bien celui de wali. Il a beau avoir un bel uniforme et occuper l'édifice le plus majestueux de la wilaya, il est quasiment seul responsable de tous les déboires du territoire qu'il gère avec pour unique arme un mince budget et des prérogatives, en apparence larges mais extrêmement réduites. Une raison bien simple, le système politique et administratif algérien ne délègue que des miettes de pouvoir : depuis l'indépendance, Alger conserve l'ensemble des leviers de décision et, même au niveau de la capitale, le pouvoir réel est concentré entre les mains du président de la République qui, selon les époques, l'exerce soit d'une manière absolue, soit le partage avec d'autres forces, généralement les militaires, selon un rapport de force dont seul le pays a le secret. Variante du jacobinisme français, l'Etat hyper centralisé algérien a très peu évolué et, lorsque Bouteflika eut l'idée de le réformer en mettant en place la commission présidée par Missoum Sbih, il s'est empressé d'enterrer le rapport de l'ancien juriste, et ce, au début des années 2000. On ne demande pas à Bouteflika de se délester de quelques pouvoirs, même administratifs. Question : est-ce que son successeur, Abdelmadjid Tebboune, est dans le même état d'esprit, ou réfléchit-il à une sérieuse et profonde politique de décentralisation qui donne de larges prérogatives aux représentants locaux du peuple, à l'image de ce qui se fait dans beaucoup de pays développés ? Pour l'heure, le chef de l'Etat ne s'est pas prononcé sur cette question délicate et il continue de s'accommoder avec l'héritage de ses prédécesseurs. Avec les mêmes déboires réglés par des changements cycliques à la tête des exécutifs locaux, quelquefois des poursuites judiciaires. Et toujours avec la même incompréhension : du wali on attend qu'il veille au développement local, à la sécurité de sa wilaya, à la quiétude de la population et d'anticiper sur ses besoins, mais on le laisse seul, avec les mêmes outils que par le passé, dépassés et dérisoires. Forcément, la wilaya est paralysée, les citoyens constamment en colère et les autorités d'Alger mécontentes. A l'évidence, l'heure n'est plus aux remontrances et aux lamentations, mais bel et bien à une réforme d'envergure de la gouvernance locale. Et si la rencontre actuelle entre les dirigeants et les walis doit servir de point de départ, c'est tant mieux. La dernière décision de greffer dans le Sud du pays plusieurs autres wilayas dans l'architecture administrative locale aurait dû attendre cette «révolution» administrative. Faite dans la précipitation, elle ne rencontre apparemment que des déboires et un bilan sans complaisance serait le bienvenu. Celui qui doit se réformer, ce n'est pas le pouvoir local, pour peu qu'il existe, c'est le pouvoir central tenu de prendre en considération ne serait-ce que l'évolution démographique de la population, et donc ses énormes besoins économiques et sociaux à venir. C'est une bombe à retardement à désamorcer et seule la population locale est en mesure de le faire. Mais pour cela, il faut libérer son génie créateur, la laisser travailler, prendre des décisions, s'auto-suffire et aller vers le monde. En d'autres termes, démanteler l'ancien système politique et administratif et lui substituer un nouvel ordre de gouvernance. Advertisements