C'est officiellement fini, le 26e Festival international de Timgad n'est plus, le théâtre antique et les allées de Tamugada la romaine ne seront plus foulés par le millier de spectateurs quotidiens et les centaines de policiers gendarmes, gardes communaux et autres membres des services. A ceux qui disent qu'au départ Timgad était une ville garnison fréquentée par des milliers de personnes, il faut répondre qu'à aucun moment de la Rome antique, des centaines de femmes en furie venaient avec leurs talons griffer, écorcher ou poinçonner les dalles millénaires du Décamanus. On voyait mal les scribes de l'époque déambuler en carriole au beau milieu du forum, comme le fait parfois le car des journalistes. On y voyait encore moins les amuseurs de galerie exiger que la 406 se fraye un chemin jusqu'aux loges. Une semaine par an, ce n'est peut-être pas énorme mais pour les vieilles pierres « ça use ». Sahara blues Clôture donc d'un festival qui n'a pas fait l'unanimité, mais qui a tout de même permis à des talents de s'exprimer, ce qui a été le cas avant-hier soir, dans un spectacle des plus tonitruants. On aurait voulu faire de cette soirée d'adieu une soirée virile, on n'aurait pas fait mieux. Malgré la présence de la star égyptienne Ihab Tawfik, qui était assurée de clore le festival, les organisateurs ont préféré assurer la clôture avec un chanteur algérien, ordre de la ministre, paraît-il. Du fait de ce chamboulement de programme, la soirée débutera par un chanteur sahraoui, Mohamed Laâraf et s'achèvera par le chanteur Sahraoui. Les deux styles, pourtant diamétralement opposés, ont conquis le public venu nombreux. Il y avait beaucoup plus de monde que de places et les spectateurs ont fini par occuper chaque saillie rocheuse et chaque bloc de pierre dans les environs du théâtre. Mohamed Laâraf, en digne héritier de Khelifi Ahmed a repris les tubes de la chanson bédouine au grand plaisir de Khalida Toumi et de Cherif Abbas, ministre des Moudjahidine. S'en suivra une troupe, présentée comme étant des Rah'habas (et qui ne l'est pas), qui noiera le théâtre sous les volutes sulfureuses de décharges de mousquets et de fusils de chasse. Mêlant musique chaouie et maniement acrobatique des armes, la petite troupe fit un barouf à tel point que le public n'en revenait pas. Suivie du Ballet national, qui s'inscrivit dans le même thème dans un magnifique spectacle de danses de Ouled Naïel, de Annaba, du Hoggar et d'Alger. « Achiou, Achiou », criait le public à l'entrée d'Ihab Tawfik, gêné par des supporters de l'EN qui lui brisaient le rythme, Ihab en véritable showman, est parvenu à renverser, en douceur, la tendance en sa faveur en faisant des femmes présentes en masse un précieux allié. Mieux, il se fit porte-voix et, emmitouflé dans un drapeau algérien, criait : « One, tow, theree, viva l'Algérie. » Mission accomplie pour le dandy égyptien, qui passa la main au fils de la région Massinissa. Chanteur engagé et authentique, Massinissa ressortit, lui aussi, les tubes qui faisaient sa gloire. Cheb Sahraoui, profitant de la chaleur du public, accompagna le festival jusqu'à la porte, en prenant soin de passer sous l'arc de Trajan, symbole de la mythique cité de Timgad.