L'onde de choc du 29 mai n'a pas touché que la majorité. Si le « non » des Français a balayé le gouvernement Raffarin et considérablement affaibli le président Chirac, à gauche, la profonde division entre les partisans du « oui » et ceux du « non » au sein du parti socialiste a abouti à l'éclatement du parti, voire à sa « bunkérisation ». Le référendum du 29 mai remodèle la gauche, dans et hors PS. De nouvelles configurations se dessinent à deux ans de l'élection présidentielle. Le parti socialiste a consommé son éclatement samedi par l'exclusion de Laurent Fabius et de cinq de ses proches à l'issue d'un conseil national houleux réuni pendant plus de 5 heures à huis clos. La décision de créer une nouvelle direction a été soumise au vote des membres du conseil national (majoritairement proche de François Hollande et de Dominique Strauss Kahn) en même temps qu'un texte analysant le vote du 29 mai et la proposition de réunir un congrès les 18 et 19 novembre. Les trois points ont été approuvés par 167 voix contre 122 et 18 abstentions. « Le parti socialiste sort divisé du référendum (...), la direction issue du congrès de Dijon s'est même séparée à cette occasion », souligne le texte préparé par le secrétaire national, François Hollande et adopté par le conseil national. Le texte regrette que les « manquements graves aux règles communes ‘‘aient'' troublé notre électorat et heurté les militants ». Et d'estimer que « c'est aux militants qu'il conviendra d'en tirer toutes les conséquences », en proposant à cette fin l'organisation d'un congrès anticipé de « projet et d'orientation stratégique » qui se tiendrait le 18 novembre. Le congrès devait en principe se tenir à la mi-2006. La direction du PS a voulu très vite tourner la page du référendum. « Le congrès fonde notre projet (...) pour que la gauche prépare une alternative pour 2007 », souligne le texte de déclaration finale. Ainsi, exclu du parti, Laurent Fabius ne peut plus être candidat du PS à l'élection présidentielle de 2007 - son exclusion ne visait pas moins ce dessein. S'il veut aller à la présidentielle, Laurent Fabius devra créer son propre courant, ce qu'il s'était refusé de faire à Dijon en 2003. Il s'est dit « disponible » le 30 mai sur TF1 pour « préparer l'alternance » en 2007 avec « toutes celles et tous ceux qui le veulent ». « Moi je reste fidèle à ma ligne, c'est-à-dire écouter ce que les Français disent, c'est-à-dire rassembler les socialistes et préparer l'alternance », a-t-il déclaré à sa sortie de l'hôtel Sofitel-Saint Jacques où venait de se tenir le conseil national qui a prononcé son exclusion. Les partisans du « non » au PS avaient le sentiment d'avoir fait les frais d'un « règlement de comptes entre amis ». « C'est un acte de pur appareil, exactement ce que des appareils qui rentrent dans des bunkers sont capables de faire. C'est une injure finalement au vote du 29 mai », a déclaré Arnaud Montebourg, animateur du courant minoritaire Nouveau Parti socialiste. « Fabius fusillé, Mélenchon crucifié, Emmanuelli piétiné : c'est ça la réponse qu'on fait au peuple français ? », s'est exclamé Jean-Luc Mélenchon, qui a déploré un « bras d'honneur à la masse du peuple de gauche ». Jean-Luc Mélenchon, partisan d'une « nouvelle union de la gauche », demande, comme préalable à tout congrès du PS, des « états généraux » de la gauche. « Il faut ouvrir les portes et les fenêtres pour entendre et écouter. Ce serait aussi une manière de s'adresser à tous ceux qui ont été éjectés loin du PS », souligne-t-il. Henri Emmanuelli, qui a fait campagne pour le non, a affirmé mardi que le PS devait « changer d'orientation » et souhaité que « tous les partis de gauche qui sont intéressés puissent contribuer à l'élaboration d'un contrat de législature ». « Il est évident qu'avec la dynamique qui a démarré sur le terrain à gauche, on ne peut pas faire comme si rien ne s'était passé » a-t-il dit sur RTL. Pour sa part, désavoué par le non français à la Constitution européenne, le président Chirac a tenté de sauver la fin de son mandat en nommant un « gouvernement de combat », mais ses adversaires et la presse évoquent déjà le « crépuscule » d'un chef de l'Etat dont l'autorité vacille. Journaux et hebdomadaires ont décrit un président usé par dix ans de pouvoir, ayant perdu la main, coupé du pays. Le Premier ministre Dominique de Villepin qu'il a nommé le 2 juin, promet « des décisions avant l'été » dans la lutte contre le chômage et affirme qu'il n'entend « pas changer le modèle social » français mais « l'adapter à l'évolution du monde ». Interrogé par le Journal du Dimanche, Dominique de Villepin affirme ne pas être tenté par l'exemple britannique de lutte contre le chômage, lequel fixe comme principe que le travail doit être plus rémunérateur que les prestations sociales. Le taux de chômage en Grande-Bretagne est de 4,7%, c'est le 4e meilleur taux de l'UE (derrière le Luxembourg, l'Autriche et l'Irlande avec respectivement 4,3%, 4,5% et 4,6%). Dans le JDD, Dominique de Villepin dit regarder plutôt vers le Danemark et « ses mesures tout à fait originales, plus respectueuses de l'exigence sociale ». Le modèle danois - où le taux de chômage est de 4,9% - associe une grande souplesse du marché du travail, des garanties sociales élevées en cas de chômage et une politique active de recherche d'emploi. Le taux de chômage en France est de 10,2%.