Ils sont tous venus, ils étaient tous là. Sa femme, l'une de ses filles, ses 12 frères et sœurs, plus de 100 neveux et nièces, ses amis, Sid Ali Kouiret, Larbi Zekkal, Bendeddouche, Semiani, Bahia Rachedi et toute la ville. Tout y était aussi. Une organisation à la hauteur de l'événement orchestrée par la direction de la culture, la présence significative de l'APC de Skikda et de Hammadi Krouma. La chaleur torride qui régnait cette nuit au théâtre communal de Skikda ne pouvait nullement dissuader ces centaines de Skikdis à être présents pour exprimer à Djamel leur reconnaissance, fût-elle à titre posthume. Il y avait aussi beaucoup d'émotion et de larmes. Tous les invités et les membres de la famille Fezzaz présents ce soir tenteront, malgré les circonstances de deuil, d'imprégner cette soirée par une note de doux souvenirs et de recueillement. Mais il fallut juste quelques notes de musique pour que toutes les larmes du monde viennent comme un déluge humecter l'atmosphère. Lancinante tristesse Il fallut juste que l'ensemble El Ouidadia de Blida harmonise ses cordes pour accompagner le chantre Karim Gasmi dans un récital volontairement dédié à l'événement. Un hawzi de complainte. Le ton des souvenirs est donné au premier couplet de Rah El Ghali Rah admirablement interprétée. A avoir la chair de poule. Les 7 frères et 5 sœurs de Djamel ne purent retenir leurs larmes. Un silence pesant envahit la salle. L'enchaînement se fera par une autre mélodie tout aussi évocatrice Farakouni. Toute la salle pleurait et à ce moment précis, dans le cœur et dans la tête de tous les présents, il n'y avait de place que pour lui. Pour Djamel. L'artiste pour qui ils étaient tous là. Puis, et à tour de rôle, ses amis investiront la scène du théâtre pour évoquer, l'instant d'un discours, Djamel l'homme. Djamel l'artiste. Les souvenirs ne feront que se suivre et s'entremêler. Tous les qualificatifs exprimés ébaucheront tous les mêmes traits du défunt. Son humanisme, sa joie de vivre, sa gentillesse et ce respect qu'il affichait envers les autres. Ils étaient donc là pour lui. Il y avait d'abord Khalida, sa femme. Mère courage qui se faisait accompagner d'une de ses enfants. « Djamel n'est pas mort, la preuve je vois devant moi ses amis à qui je demande de continuer à porter ce même flambeau que portait le défunt. » C'étaient là ses mots adressés solennellement aux artistes venus à Skikda pour témoigner leur gratitude à Djamel et à sa ville. Puis ce fut le tour de Bahia et à elle de parachever le discours de Mme Fezzaz. « Je vous vois tous ici réunis. Pour moi c'est là une occasion que nous risquons de ne plus revivre. C'est une occasion que nous devons mettre à profit pour léguer votre savoir aux générations futures. » Elle n'oubliera pas d'évoquer Djamel le metteur en scène : « Il était assez exceptionnel dans ses approches scéniques » et de raconter quelques détails. Sid Ali Kouiret prend le relais. « Mme Fezzaz, je m'adresse à vous, entonnera-t-il. Je me rappelle de Charlie Chaplin qui après avoir achevé le tournage de son film Les feux de la rampe ses amis sont venus lui demander de se reposer. Il leur a répondu que son public l'attendait. Je me rappelle de Hassane El Hassani, mort pour un film. Et je me rappelle aussi, Madame, de Djamel Fezzaz qui nous répétait : “Mon feuilleton avant tout”. Aujourd'hui Djamel est parti mais Skikda enfantera d'autres Djamel. Il faut juste que les autorités locales de cette ville encouragent la création. Mon souhait est de revenir l'année prochaine à Skikda pour voir une pièce théâtrale se jouer dans cette enceinte. » Larbi Zekkal lui, sous le coup de l'émotion, parlera de cette étrange « prémonition » de Djamel : « Je ne me l'explique pas, mais je me rappelle de ces mots qu'il avait prononcés lors du tournage de son dernier feuilleton. C'était comme s'il savait que ça allait être sa dernière création. » Vers la fin de la soirée, des diplômes de reconnaissance, d'honneur et plusieurs autres présents seront offerts à titre d'honneur à Mme Fezzaz et à sa fille. Une soirée réussie. Plus que réussie. C'est même là une preuve authentique que Skikda sait, quand elle veut, se défaire de sa légendaire courte mémoire pour retrouver les siens. Pour démentir l'adage qui lui colle à la peau en permettant pour un instant, pour un instant seulement, à l'un de ses enfants d'être, le temps d'une nuit, un véritable prophète... chez lui !