La prolifération des parkings sauvages prend, dans la capitale des Hauts-Plateaux, les proportions d'un phénomène qui met les nerfs et les bourses des automobilistes à rude épreuve. La « floraison » effrénée de ces parkings n'obéissant à aucune règle ou contrôle des autorités porte un autre coup de massue à l'image d'une cité qui décrépit en dépit de ses fausses apparences. Les principales rues et ruelles ainsi que les chaussées des marchés et les placettes situées à proximité des institutions d'Etat (siège de la wilaya, maison de la culture, direction du transport, siège de la CNAS pour ne citer en exemple que ces structures) sont squattés par ces nouveaux vigiles, armés le plus souvent de gourdins afin de rançonner les automobilistes obligés, la mort dans l'âme, de débourser de l'argent pour pouvoir quitter un lieu de stationnement, officiellement « non gardé ». Les récalcitrants n'échappent pas aux injures, intimidations et agressions : « La dernière fois, des jeunes qui écument le marché des 1014 Logements ont tenté de m'agresser car j'ai refusé de payer la dîme », nous confie Mme Loubna, une enseignante à l'université outrée par ce banditisme qu'on ne trouve nulle part ailleurs. « Les pays voisins qui souffrent pourtant de crises économiques des plus aiguës n'ont pas cette plaie », conclut non sans une certaine amertume notre interlocutrice qui considère que l'Etat ne peut instaurer son autorité qu'en imposant sa loi dans ces lieux occupés par des désœuvrés qui perturbent l'ordre public. Mourad n'a pas échappé au diktat d'un gardien d'un certain âge qui ne s'est pas empêché de proférer des insanités, même en présence de la petite famille de cet autre citoyen qui a courageusement refusé d'obtempérer. « Cette pratique qui s'apparente à du rançonnage doit être réprimé car l'automobiliste qui est obligé de casquer à chaque coin de rue ne peut plus supporter des défenses supplémentaires qui oscillent quotidiennement entre 200 et 300 DA », souligne-t-il. Le hic dans l'histoire, ce sont les prix pratiqués. Ils diffèrent d'un endroit à un autre. Devant les institutions étatiques (la maison de la culture et le siège des services extérieurs de la wilaya ex-Mouhafadha), sites supposées gardés, la taxe est onéreuse. Ce commerce, qui est exonéré de charges, échappe à tout contrôle et s'exerce en toute impunité. Ces désagréments n'ont paradoxalement fait l'objet d'aucune plainte, déposée auprès des services de sécurité. En voulant avoir le son de cloche de ces gardiens de « parkings virtuels », on s'est vite ravisé, à cause de l'agressivité de certains « videurs ». « Au lieu de faire des enquêtes sur les importateurs de contenaires, vous venez importuné des pauvres gens comme nous », lâche un des jeunes interrogés. Excités et irrités par notre visite, l'un deux réplique sèchement : « On doit bien gagner notre croûte, non. » La rencontre avec Mohamed, un gars qui a beaucoup bourlingué, est instructif à plus d'un titre. Cet Ententiste invétéré parle de métier, ne possède pas la même vision que les autres vigiles : « Je préfère garder les voitures que d'aller mendier ou voler. Ce métier me permet de gagner ma vie honnêtement. Les rapports avec les clients qui me font confiance sont cordiaux. Vous pouvez le vérifier. Ce créneau peut absorber une partie des jeunes chômeurs dans la cas où l'état prendrait ce volet en charge, et ce, par des textes définissant les règles du jeu... » Cependant, le phénomène, ayant fait l'objet de nombreux écrits de presse, n'offusque pas les responsables concernés qui ne réagissent toujours pas. Ce « trabendo » s'étend jusqu'aux aires de jeux des cités qui étouffent. « Pour mettre un terme à la floraison sauvage de ces parkings, qui nous empoisonne la vie, la collectivité devant veiller sur la quiétude de ses administrés doit aménager ces espaces en aires de jeux ou terrain de football, à l'instar de celui de la cité des Tours », nous confie Salah un résident des 600 Logements. Les autorités vont-elles mettre le holà pour permettre à l'antique Sitifis de retrouver son statut d'antan, de ville belle et propre ? Cet appel a été apparemment entendu par les autorités qui ont décidé de prendre à bras-le-corps ce problème. Aux dernières nouvelles, des terrains en mateco et pour lesquels une enveloppe de 20 millions de dinars a été dégagée, seront réalisés dans plusieurs coins de la cité, une manière des autorités de couper l'herbe sous les pieds des squatteurs...