Cheikha Tetma, de son vrai nom Tetma Thabet, est née à Tlemcen en 1891. Elle entamait sa carrière en interprétant le hawfi, une sorte de romance, de berceuse que les femmes tlemcéniennes chantaient en se poussant sur la balançoire ou en cajolant leur bébé pour l'endormir, ou encore pour meubler les soirées familiales... Un exemple : « J'ai découvert des rochers entre lesquels coulait une eau abondante ; je me suis rendu aux cascades pour les visiter ; j'ai remarqué quatre jeunes femmes qui lavaient du linge ; la première ô lune, la deuxième du cristal ; la troisième ô mon frère a enflammé mon cœur ; et la quatrième, ô mon frère, une brûlure sans feu. » Son étoile monta très vite au firmament grâce à sa voix ensorcelante et à son habileté en jouant de la kouitra et du violon. Son niveau d'instruction en arabe étant appréciable pour l'époque, elle pouvait assimiler très vite les poèmes qu'on lui présentait en y ajoutant l'art et la manière. Elle était accompagnée d'un orchestre composé de Omar El Bekhchi, de Abdelkrim Dali, lorsqu'il était jeune et du virtuose du piano Djillali Zerrouki. Ce dernier était son plus fidèle compagnon de musique. Il participait à toutes les cérémonies qu'elle animait à travers tout le pays, mais aussi au Maroc et en France. Aussi, c'est avec beaucoup de brio qu'il exécutait les istikhbar dans les modes zidan, mawwal, sika et autres sahli et aârêq. Sa virtuosité n'était pas sans écho, car elle trouvait du répondant dans l'exécution de Cheikha Tetma. La dextérité de ce grand maître du piano reflétait l'ombre parfaite et assidue de la voix ondulante de Tetma. Du hawfi, Cheikha Tetma fit un passage très aisé au hawzi et interpréta ainsi les œuvres des célèbres maîtres Ben Msayyeb, El Yacoubi, Mohamed et Boumediène Bensahla, Bentriki et Ahmed Zengli. Plus tard, elle s'exerça également à la musique classique andalouse. Et elle participa à une tentative d'harmonisation andalouse initiée par un orchestre symphonique européen du Conservatoire municipal d'Oran. Elle est sortie grandie de cette expérience au point où elle s'installa à Alger durant une grande partie des années 1950. A ce jour, et alors qu'elle est décédée en 1962, elle reste une figure incontournable de la musique classique ou traditionnelle algérienne.