Dans le cadre de ses actions de contribution à la lutte contre la pauvreté, l'Agence de développement social (ADS) a développé une dynamique de l'action sociale de proximité définie comme première passerelle vers la prise en charge effective des couches sociales les plus fragilisées. Pour ce faire, elle a mis en place un certain nombre d'organes d'exécution dont les fameuses cellules de proximité. « Leur mission principale est d'agir au cœur des quartiers les plus défavorisés et les plus démunis, et ce, dans le but de lutter contre la privation et la marginalisation et de combattre toute forme de précarité et d'exclusion », selon le directeur général de l'ADS. Coordinatrice et cheville ouvrière des deux cellules de proximité mises en place à Constantine, le docteur Boukabèche nous en dit plus sur la méthodologie d'intervention de ces structures et les différentes phases qui la compose. En réponse à une question relative au classement du secteur urbain d'El Gammas comme zone d'intervention prioritaire, cette dernière justifie ce choix au regard « des résultats d'une enquête minutieuse menée à travers différents secteurs urbains parmi les plus défavorisés et qui a reposé, entre autres paramètres, sur l'examen de tous les indicateurs plus ou moins objectifs résultant du taux de chômage, du parc logement par rapport à la population totale, du taux d'électrification, du taux de branchement AEP et du taux de raccordement au réseau d'assainissement. Sur la base d'une méthode indiciaire axée sur les résultats des investigations entreprises, le secteur urbain El Gammas s'est imposé comme première zone d'intervention prioritaire, suivi respectivement des secteurs urbains des Mûriers, Boudraâ Salah, Ziadia et Kitouni Abdelmalek. Par ailleurs, les sorties et les observations faites sur le terrain ont fait ressortir que parmi les sept quartiers défavorisés composant le secteur urbain El Gammas, la cité El Gammas s'est imposée comme la plus marginalisée. » Une fois cette étape franchie, observe le docteur Boukabèche, les équipes d'intervention ont intervenu sur le terrain à travers des sorties pour se familiariser avec le site retenu, une prise de contact avec le comité de quartier et l'identification des besoins de la population par le biais d'entretiens et d'une enquête ménage. « Nous avons également mené des consultations médicales et psychologiques, dispensées à domicile pour les malades chroniques et les handicapés », nous dit la coordinatrice des cellules de proximité. Cette dernière signale aussi que les enquêtes diligentées pour déterminer objectivement les potentialités et les ressources humaines et matérielles disponibles dans ce quartier ont mis en exergue de précieux indicateurs soulignant la précarité des revenus des ménages imputée à un taux de chômage excessif et à l'absence du chef de famille, d'où l'émergence sur ce site déshérité d'un travail féminin à domicile consistant généralement en la confection d'habits traditionnels et de couscous, trida et chakhchoukha que les femmes écoulent de gré à gré à des prix qui ne correspondent pas à la somme d'efforts consentis. « Même si c'est un champ de production déconnecté de la réalité du marché et exploité honteusement, il constitue néanmoins une source de revenus pour ces femmes en détresse morale et physique », précise à ce sujet notre interlocutrice. S'agissant du volet sanitaire, l'enquête menée par les cellules de proximité a fait nettement ressortir le besoin urgent d'une prise en charge des habitants de ce quartier affectés à des maladies respiratoires imputées aux mauvaises conditions de vie, à l'absence d'hygiène et à une promiscuité, d'autant que les 500 chalets en bois sont dotés d'une toiture en amiante datant de 1979, et dont la durée de vie ne devait pas excéder les dix ans. Par ailleurs, l'hypothèse selon laquelle l'amiante serait directement à la source des nombreuses pathologies qui sont apparues dans la cité El Gammas a été confortée par les études entreprises sur place par une équipe de médecins drivée par le professeur Zoughaïlèche, chef du service d'épidémiologie du CHU Constantine. Informés de ce problème, les habitants avaient émis le souhait de détruire ces chalets vecteurs de graves maladies et reconstruire en dur, mais ils ont été confrontés à un problème foncier d'où l'expectative dans laquelle ils se trouvent à ce jour. « Pour traduire l'ensemble de ces besoins en projets de développements sociaux, observe le docteur Boukabèche, il était essentiel de trouver un réseau de partenaires institutionnels ou associatifs, et dans ce contexte, le jumelage entre les municipalités de Constantine et Grenoble nous a offert une bonne opportunité de coopération. Les différentes actions entreprises jusque-là ont consisté, avec le précieux concours de Médecins du Monde et d'associations grenobloises, dans la structuration du travail des femmes et dans le lancement d'une action de santé communautaire, à l'échelle de la cité El Gammas qui consiste à initier des mesures d'ordre préventif, curatif et de réadaptation. »