« La culture, l'art, la musique et le sport ont été assassinés en Algérie par les coureurs de fortune, les nouveaux nantis sortis du néant au lendemain de l'indépendance », constate le chanteur handicapé Hakim El Batni, cet Algérien de père kabyle et de mère chaouie, qui, dans les années 1980, a fait le bonheur des familles batnéennes, en célébrant de nombreux mariages. C'était le temps du divertissement, de la cohésion sociale... de la vie, quoi ! Au tout début, Hakim imitait le genre malouf constantinois, il intègre la troupe El Moustakbel de Batna, dirigée alors par feu le maestro Kabassi. A l'époque, les jeunes s'enivraient du moderne algérien, par notamment les tubes du défunt Salim Hellali avec les chansons toujours vivaces chez les nostalgiques du bon vieux temps. Hakim interprétera Mahani ezzine tel le maître. Encouragé, El Batni intégrera alors le groupe Essaada drivé alors par le batteur Mostefa Abdou dit Bedj, décédé dernièrement. Le handicap physique du cheb lui imposera une longue trêve jusqu'en1985, où un autre groupe de Batna l'adopte Kahina. Il réalise son premier album avec Ya kamar ya ali, chez Fethi et Rachid de Tlemcen. En 1989, la chanson de style moderne auressien, Marhaba be ouled sidi, fera un tabac transnational. Ce chanteur, qui a toujours préféré le travail de groupe, galère à l'époque où la musique, devenant « une profession ou plutôt un commerce florissant, a favorisé la médiocrité par certains styles, 3 paroles et plusieurs rythmes », dira Hakim qui regrette que la belle musique ne soit pas prise en charge par les organismes et les associations culturelles. La chanson légère primera-conclut le chanteur du moderne auressien. En 1992, les frères Torki à Alger, lui sortiront un album avec son groupe de toujours El Kahina. Son destin de handicapé lui imposera une évacuation en urgence en France pour subir plusieurs interventions avec au bout une prothèse. L'amour de la musique enchantera la communauté maghrébine qui le sollicite à travers plusieurs tournées dans la France et quelques pays d'Europe pour des concerts et galas. Sentimental, affable, Hakim est le chanteur de la douceur et de la nostalgie exprimée dans des tubes écrits par lui Bin youm oua lila, Ya kamar ya ali. En 2002, il enrichit son palmarès avec un album en France avec 8 chansons El hana, Dana daini... puis le tube des regrets Fi hadh ezzamane et s'aventure même dans le rythme chaoui pur et dur en interprétant Aynik du parolier de la maison d'édition Tobna, Tahar Djabali. Hakim ne désespère pas et compte se relancer dans sa musique préférée « qui doit revivre, car c'est un patrimoine à préserver », dira-t-il.