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Cultures et choix économiques
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Publié dans El Watan le 29 - 11 - 2010

La diversité des modèles d'économie de marché qui peuplent le monde est tout à fait frappante. Chaque cas recèle des typologies très particulières.Le capitalisme américain a produit les plus grandes innovations mondiales (automobile, électricité, aviation, plusieurs types de médicaments, etc.) qui ont eu des effets grandement bénéfiques sur la planète entière.
Mais il a également généré les deux crises économiques les plus dévastatrices de l'histoire de l'humanité : la crise de 1929 et celle plus récente des subprimes.
De même que la guerre du Vietnam qui avait induit d'énormes dégâts humains et économiques et l'émission massive de gaz à effet de serre qui met en danger la planète sont à inscrire au passif du système. Par ailleurs, il est difficile de comprendre le niveau de l'inégalité sociale toléré par le système politique et la majorité des citoyens. Nous pouvons trouver dans le modèle autant de facteurs d'attraction que de sources de rejet et les analystes peuvent mettre en évidence ceux qui confortent leurs positions.
Les modèles allemand et scandinave semblent plus égalitaires, plus sociaux, économiquement efficaces, mais moins innovants. Qu'est- ce qui explique que des pays développés font des choix économiques et sociaux diamétralement
opposés ? Nous avons une piste très sérieuse : l'histoire et la culture en seraient responsables.
Le Prisme de la Culture
La plupart des analystes économiques en Algérie rejettent en bloc le modèle économique anglo-saxon. Nous pensons qu'ils ont tout à fait raison. Il nous sera impossible de greffer ce schéma sur notre société. Le rejet sera dangereux et inévitable.
Mais là où il faudrait nuancer sa position, c'est lorsqu'on considère que les Américains eux-mêmes doivent révolutionner leur modèle. Si cela pouvait se faire, il faudrait des générations entières et un changement radical dans la manière d'être et de penser des Américains. Nous avons plusieurs analyses qui peuvent nous aider à entrevoir pourquoi des citoyens font des choix différents, au niveau des entreprises et au niveau des institutions de management macroéconomiques.
Les travaux d'Hofstède, Rieger, Trompenaars, Kluckhorn-Stodtbeck et Edward T. Hall ont permis d'identifier quelques variables explicatives des choix des processus décisionnels.Chaque variable est une caractéristique de la culture des citoyens d'un pays et a un certain pouvoir d'explication des choix de mode de management d'entreprises et des décisions de politique économique. Mais il ne peut y avoir de jugement de valeur pour dire que tel attribut est positif ou négatif. Nous ne pouvons que citer les plus importants, à savoir :
1. L'attitude face au risque : les citoyens d'un pays peuvent accepter de prendre beaucoup de risques (USA) ou plutôt préfèrent plus de sécurité (Japon, France) ;
2. La distance hiérarchique : dans certains pays, on admet que les supérieurs hiérarchiques aient beaucoup de pouvoir et décident seuls (France, Espagne), alors qu'ailleurs, on privilégie une forte interaction (pays scandinave, Japon) ;
3. L'individualisme/collectivisme : les sociétés anglo-saxonnes sont plus individualistes, le Japon et l'Afrique sont plus collectivistes ;
4. L'intuitif versus l'analytique : dans les pays développés, les citoyens décident en fonction d'analyses et de données scientifiques ; dans les pays en voie de développement, les habitants prennent leurs intuitions pour des vérités et décident en conséquence ;
5. Etc.
Il est passionnant de plonger dans l'univers des interrelations entre les cultures et les systèmes économiques, mais extrêmement complexe de synthétiser ces laborieuses analyses.
Nous avons présenté uniquement un échantillon très succinct des variables à considérer lors des analyses de choix des politiques économiques. Nous sommes presque sûrs que la description faite est incomplète pour le lecteur. Ceci est inévitable. Les cursus de management y consacrent des cours entiers à ce phénomène.
Mais le point central est le suivant : les entreprises et les pays font des choix économiques en fonction de leur matrice culturelle, laquelle dépend de l'histoire, la position géographique, la taille de la population, etc.
Diversités Culturelles et Modèles économiques
De nombreux analystes se trouvent perplexes face à ce qui leur semble être de grosses anomalies des sociétés anglo-saxonnes. Le niveau toléré des inégalités sociales, de décentralisation et de libéralisme exaspère la vaste majorité des analystes nationaux et même européens.Pour être plus exact, le débat existe au sein même des pays anglo-saxons. Mais si nous avons des préférences pour plus de justice sociale et moins de risque ; sachons que d'autres êtres humains peuvent diverger avec nous et ont le droit d'avoir d'autres préférences. Toute société est constituée d'un ensemble complexe d'équilibres socioéconomiques et politiques. Les acteurs érigent des formations sociales en fonction des préférences nationales.
Selon les analyses dont nous disposons, les Anglo-Saxons sont plus tolérant vis-à-vis du risque et des inégalités salariales. Mais leurs citoyens, à tous les niveaux, sont plus impliqués dans les processus décisionnels.
Les Japonais sont plus communautaires, prennent moins de risque et acceptent mal de fortes inégalités sociales. Toutes ces caractéristiques et bien d'autres se reflètent sur le mode de management des entreprises ; et sur les choix macroéconomiques. Il est important de savoir que lorsqu'on analyse autrui avec son propre héritage culturel, on aboutit souvent à des incompréhensions.
Durant les années soixante-dix, le cabinet canadien Leger et Leger a analysé les composantes culturelles de notre culture et leur transposition au niveau des modes de management de nos entreprises. Certains aspects furent mis en avant comme l'esprit communautaire, le rejet du risque, l'oralité, etc. Il en ressort que nous ne savons pas utiliser nos atouts culturels pour créer des institutions performantes. Mais nos particularités culturelles ont des prolongements certains au niveau des politiques économiques.
Les citoyens ne peuvent pas s'accommoder d'un système trop inégalitaire, avec peu de protection sociale et trop de risques pour tous.
L'économie de marché compatible avec nos anticipations offrirait plus d'égalité d'opportunités et de justice sociale. Ce type d'économie a un avantage supplémentaire en termes de politique économique : une meilleure distribution des richesses rend les politiques budgétaires et monétaires plus efficace. Les ressources étant mieux réparties, la population dépense plus et la production nationale s'accroît davantage (on a un meilleur multiplicateur).
Conclusion
Le fait que nous ayons nos propres préférences n'implique pas qu'autrui soit dans l'erreur. La complexité de la globalisation réside dans l'exposition de tous les pays aux risques générés par une poignée d'entre eux. Le réchauffement climatique et la crise des subprimes sont l'illustration de ce phénomène.
Les pays pourvoyeurs de problèmes s'en sortent souvent beaucoup mieux que ceux qui les subissent. Alors les premiers (passagers clandestins) auraient de fortes incitations à perturber le système. Comment s'en sortir de ce dilemme ? Les institutions internationales supposées opérer des ajustements n'ont ni les ressources ni l'autorité pour le faire.
Le principe de souveraineté des pays et du respect des différences étant acquis, alors quel mode de gouvernance mondiale faut-il adopter pour limiter les dégâts collatéraux causés aux pays non initiateurs de déséquilibres ? Personne ne songe qu'à court terme, les politiques des USA vont ressembler à ceux des pays scandinaves ; Il faudrait des générations entières et une révolution culturelle au pays de l'oncle Sam.Mais il ne reste aux décideurs que d'opérer une veille de tous les instants pour minimiser les impacts négatifs des effets néfastes de la globalisation. Pour la crise des subprimes, le cas du Canada a été un exemple édifiant.


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