Casa l'industrielle se découvre ces jours-ci une nouvelle vocation: le patrimoine théâtral. Les pièces maghrébines sont à l'honneur dans les prestigieuses salles de Sidi-Belyout et Hassan Skalli et sont toutes dédiées à l'héritage culturel commun de la partie Nord de l'Afrique dans ses dimensions arabo-amazighes. Casablanca(Maroc) De notre envoyé spécial
Des personnalités théâtrales de premier plan, dont l'immense Abdelkrim Berrechid, sont invitées à cette septième édition du théâtre populaire maghrébin. L'oeuvre dramatique donnée en ouverture "Abride Azorare" (La voie sèche) ressuscite en partie une vieille légende marocaine nichée dans les monts du moyen Atlas berbère. Interprétée en langue amazighe la théâtrale signée par Ahmed Achikbe revient une nouvelle fois sur la relation homme- femme et tous les instansts en clair obscur que traverse le couple sur son passage sur terre. Acquis à une mise en scène plutôt inscrite dans l'intériorité du personnages le texte est porté par deux comédiens absoluments époustouflants dans l'art de rendre palpables leurs désirs contrariés et leurs douleurs éclatées. Said Darif et Asma Saroui jouent par petites touches leurs peines et osent ici et là d'aller à l'encontre du tabou admis par la majorité comme une règle, la règle inamovible. La troupe venue de la ville de Khmisset a été longument applaudi par le public. L'émotion était au rendez vous. La deuxième pièce proposée en ouverture de cette édition qui s'étalera jusqu'au 21 décembre est déclinée sur le registre de la comédie même si le sujet abordé est d'une gravité certaine." Bnat El Hlaiki" évoque le problème du mariage ou plus précisément la difficulté de trouver l'âme soeur: Le père veuf est à la recherche d'une femme qui sache lui faire oublier la première mais ces trois filles s'opposent à l'idée de voir leur paternel convoler une seconde fois parce qu'elles aussi cherchent ce compagnon combien improbable à trouver en ce monde où rien n'est facile à conquérir. Et c'est la bagarre au quotidien, la bagarre mais surtout, sur scène, de trés beaux moments de théâtre comique servis par trois comédiennes qui savent traduire leur désespoir de faire fléchir "papa" en délicieux passages truffés d'humour et de truculence verbale puisée de la langue populaire marocaine et irrigués par les airs entraînants du ghiwan. Là également "Bnet El Hlaiki" révèle d'authentiques talents aptes à assurer la relève des pionniers comme Tayeb Seddiki, Tayeb Laâlej, Les frères Badaoui, Ba Kamane et tous ces arpenteurs qui ont su faire parler à merveille " Jamaâ El Fna" et tous les troubadours qui ont sillonné le royaume pour distribuer la bonne humeur. Invitée au titre de l'échange culturel entre la rive Sud de la Méditerranée et la rive Nord, la compagnie espagnole " PERESTROIKA" proposera" L'ours" et " La demande de mariage", deux pièces à un acte de l'écrivain, nouvelliste et homme de théâtre russe Anton Tchékov. Les deux spectacles présentés dans une seule et unique mouture, se suffiront du strict minimum sur scène, deux chaises et une petite table, pour exprimer elles aussi la difficulté de se réaliser quand les petits calculs et les partis pris, jamais équitables mais toujours justifiés gèrent la ralation humaine. Les comédiens catalans JordiMinarro,Tania Nunne et Oscar Puente évoluent sur scène avec une précision mathématique. Tout leur jeu est dans les regards encombrés ,les murmures calculés, les demis-mots comptés, les rires répétés. L'athmosphère d'étouffement décrite par l'auteur russe est rendue dans ses moindres frémissements. Grâce au métier des comédiens elle redevient actuelle, une atmosphère de 2010, une atmosphère qui ressemble à l'homme, une atmosphère qui dit combien Tchékov est contemporain alors qu'il a quitté ce monde voilà plus de 100 ans. Il a nous a quittés mais pas ses oeuvres, la preuve elles sont données ces jours ci au festival maghrébin du théâtre populaire avec résidence à Casa la blanche.