En compagnie de quelques habitants du village et des représentants des associations écologiques Takoucht et Cap Vert, nous explorons les lieux de ce qui peut demain être le théâtre d'une tragédie programmée. Djidi Ali 1, Djidi Ali 2 et Issek. Ce sont les noms des trois sites censés accueillir trois carrières d'extraction d'agrégats. Quarante cinq km environ du chef-lieu de la localité d'Aokas, en s'y rendant par Taskriout. En quittant la RN9, à bord du même véhicule qui nous a pris au point de départ, Aokas, le voyage s'annonce prometteur. En effet, la longue route sinueuse sur laquelle nous cheminons nous livre les mille et une facettes d'un paysage d'une beauté aussi rare que contrastée : villages kabyles à l'abandon ou sérieusement dégradés, oliveraies, nouvelles constructions en béton hideuses, ruisseaux pendant du ciel, familles vaquant à une paisible cueillette d'olives, jardins, vergers et champs chaussant d'immenses murs en pierre. On monte, on ne cesse de monter ; escaladant une espèce de montagne interminable. Notre destination n'est pas loin : Ighil Ouli ou les hauteurs des ovins, sommet de montagne en longueur que l'on voit de biais décharné et prés de s'effondrer, nous annonce la couleur. Accrochés à son socle, que de prairies et de vergers qui semblent installés dans le décor pour l'éternité. Puis, soudain au détour d'un virage, la fameuse montagne se présente à nous, comme par pudeur dans un profil austère : rocheux et sec, inspirant plutôt un sentiment d'inquiétude. Mais ce n'est que passager. Bientôt un autre décor nous invite au rêve et à l'évasion. Des maisons en pierre, extraite à même le sol du pays, des vergers, des prairies en dormance, des pâtés de maisons kabyles rarement occupées, des paysages tantôt verdoyants tantôt gris ; en somme, toute la beauté que peut jalousement garder Tizi Lekhmis, un village écartelé entre deux communes, Ait-Smaïl et Tizi n Berber et lequel ne revient au bon souvenir des gens intéressés que la veille des joutes électorales. Marginalisée, oui ! ce que nous affirme notre accompagnateur, Mbarek, un enfant du patelin, qui cite, pour illustrer son propos, le cas des locaux du lieudit Trois-chemins, construits dans le cadre du programme présidentiel des cent locaux par commune, où aucun postulant de Tizi n'a été retenu. Un dernier effort pour notre auto qui doit encore nous supporter quelques dizaines de mètres sur un chemin raide et rocailleux avant de nous lancer sur nos jambes à la conquête des sommets tout proches. Epoustouflant ! Enfin, le site ! Epoustouflant ! À environ 700 mètres d'altitude, nous culminons sous le versant sud du mont Issek. De là, nous pouvons contempler Tagouba, à Tichy, à laquelle une bonne partie de la grande bleue fait face. Mon Dieu ! devrait se dire toute personne dotée d'un minimum de bon sens, peut-on attenter à tant de beauté sauvage, de nature rescapée et d'histoire à l'ère de l'écotourisme et du développement durable ? En compagnie de quelques habitants du village et des représentants des associations écologiques Takoucht, domiciliés à Aït-smaïl, et Cap Vert, domiciliée à Aokas, nous explorons les lieux de ce qui peut demain être le théâtre d'une tragédie programmée. Djidi Ali 1, Djidi Ali 2 et Issek. Ce sont les noms des trois sites censés accueillir les trois carrières d'extraction d'agrégats. Et pourtant, les arguments opposés à un tel projet ne sont pas des moindres. Une école primaire de 120 élèves à 60 mètres à vol d'oiseau est située en bas du site. Encore plus prés, des maisons habitées ; car même si l'exode rural a vidé les hameaux environnants, environ 500 personnes vivent quotidiennement à Tizi. Plus important encore, toute l'eau qui alimente les villages alentours coule des entrailles de ces montagnes : cascade de Bouamara, où des aménagements en vue d'une exploitation écotouristique ont été effectués, projet AEP à destination du même village et sa périphérie et grande source de Tajeklayebt. Le sol même, nous dit-on, recèle d'importantes richesses. Une vielle dame, faisant paître son troupeau, rencontrée au hasard de nos allées et venues, nous emmène sur les traces d'un très vieux cimetière avant de nous montrer au loin le lieu abritant encore les débris d'un appareil militaire colonial abattu par l'ALN. Vestiges romains Un peu plus loin, les restes d'une importante prison coloniale. Sur les mêmes lieux, nous indiquent les présents, il y a des vestiges romains localisés sur l'Issek et même d'anciennes mines remontant toujours à l'époque romaine. Interrogé quant à la présence d'espèces endémiques, un écologiste nous a signalé les chênes zen et Afares. Notre périple terminé, on rebrousse chemin. Dans tous les hameaux où nous avons pu nous arrêter, la même détermination : faire barrage au projet. La mobilisation bat son plein, déjà plus de 200 pétitionnaires. Mbarek Herbi, qui nous a accompagné depuis le matin, natif du village, nous assure que rien n'arrêtera les villageois. «Même ceux qui habitent loin, à Béjaïa, à Aokas, reviennent pour s'enquérir de la situation et prendre part à l'action», affirme-t-il. Aux dernières nouvelles, une rencontre a réuni les représentants du village de Tizi Lekhmis et les élus de Tizi n Berber, les sites choisis pour les carrières étant situées sur le territoire de cette commune. Un début de dialogue serein s'est instauré. C'est en tout cas l'impression que donnent les premiers, surtout après la sortie sur le terrain de ces derniers. Ce que ceux-ci nous confirment en nous avançant «nous travaillerons avec la population et nous n'accepterons aucun projet auquel elle s'oppose. D'ailleurs, nous attendons une enquête commodo incommodo du ministère de l'Environnement». Quels que soient les développements de cette affaire les cas similaires les plus récents, notamment les carrières Bouhiene à Melbou et Kefrida à Aokas, où la population a du recourir à la violence pour se faire entendre, devraient faire réfléchir à deux fois nos responsables estiment les villageois.