Fait inédit, c'est Nicolas Sarkozy lui-même qui a annoncé dimanche soir le remaniement du gouvernement, devenu nécessaire. Officiellement pour «expliquer les enjeux de l'avenir» et pour «protéger le présent des Français», et non en réaction à la polémique sur Michèle Alliot-Marie. Paris. De notre correspondante
En réalité, cela ressemble davantage à un remaniement de crise avec l'élection présidentielle de 2012 en ligne de mire. Nicolas Sarkozy a nommé Alain Juppé ministre des Affaires étrangères, le sénateur Gérard Longuet, ministre de la Défense et le secrétaire général de l'Elysée, Claude Guéant, ministre de l'Intérieur et de l'Immigration. Michèle Alliot-Marie, au cœur d'une polémique sur ses vacances tunisiennes en plein soulèvement contre le président déchu Ben Ali, avait remis en début d'après-midi de dimanche sa démission de ministre des Affaires étrangères au président Sarkozy. Ce remaniement s'est imposé en fait à Nicolas Sarkozy de par la dégringolade de sa cote de popularité – au plus bas – auprès de l'opinion française et alors que la diplomatie française a été une succession de ratages face aux bouleversements politiques en Tunisie et en Egypte, notamment. Il est destiné à couvrir une profonde crise de politique intérieure, affirment des analystes et l'opposition de gauche. Michèle Alliot-Marie «n'a pas commis de faute. La décision que nous avons prise n'est pas une décision morale, c'est une décision politique», a soutenu hier le Premier ministre, François Fillon, sur RTL. Pour François Fillon, le remaniement du gouvernement est «un acte stratégique face à une accélération de l'Histoire qui va avoir des conséquences que nous ne sommes pas d'ailleurs en mesure aujourd'hui d'imaginer.» «On confond diplomatie et contrats» La diplomatie française a été fragilisée par les critiques sur sa complaisance envers les régimes tunisien et égyptien, et pour ses liens avec le dirigeant libyen Mouammar El Guedddafi. «Il est clair que la diplomatie française n'existe plus, on confond les contrats et la diplomatie, et c'est pour cela que la France se rétrécit dans le monde», avait déclaré la première secrétaire du PS, Martine Aubry. «A l'encontre des annonces claironnées depuis trois ans, l'Europe est impuissante, l'Afrique nous échappe, la Méditerranée nous boude, la Chine nous a domptés et Washington nous ignore ! Dans le même temps, nos avions Rafale et notre industrie nucléaire, loin des triomphes annoncés, restent sur l'étagère. Plus grave, la voix de la France a disparu dans le monde…», ont dénoncé des diplomates dans une tribune au Monde. Et ils ajoutent que «la politique suivie à l'égard de la Tunisie ou de l'Egypte a été définie à la présidence de la République sans tenir compte des analyses de nos ambassades. C'est elle qui a choisi MM. Ben Ali et Moubarak comme ‘‘piliers sud'' de la Méditerranée». Le remaniement annoncé par Nicolas Sarkozy préfigure-t-il réellement un recadrage de la politique étrangère menée depuis son élection en 2007 ? S'achemine-t-on vers la définition d'une nouvelle politique arabe de la France, voire de l'Europe, imposée par la révolution arabe ? Dans sa brève intervention dimanche soir, Nicolas Sarkozy déclare : «En opposant la démocratie et la liberté à toutes les formes de dictature, ces révolutions arabes ouvrent une ère nouvelle dans nos relations avec ces pays dont nous sommes si proches par l'histoire et par la géographie. Ce changement est historique. Nous ne devons pas en avoir peur. Il porte en lui une formidable espérance, car il s'est accompli au nom des valeurs qui nous sont les plus chères, celles des droits de l'homme et de la démocratie». «Nous ne devons avoir qu'un seul but : accompagner, soutenir, aider les peuples qui ont choisi d'être libres. Entre l'ingérence qui ne serait pas acceptée et l'indifférence qui serait une faute morale et stratégique, il nous faut tout faire pour que l'espérance qui vient de naître ne meure pas car le sort de ces mouvements est encore incertain.» Nouvelle politique arabe ? Nicolas Sarkozy ne s'est pas empêché d'agiter le spectre, voire la menace pour l'Europe d'un afflux massif d'immigrés en provenance du Sud, de l'insécurité et du terrorisme. «Si toutes les bonnes volontés ne s'unissent pas pour les faire réussir (des mouvements évoqués précédemment, ndlr), ils peuvent aussi bien sombrer dans la violence et déboucher sur des dictatures pires encore que les précédentes». «Nous savons ce que pourraient être les conséquences de telles tragédies sur des flux migratoires devenus incontrôlables et sur le terrorisme. C'est toute l'Europe alors qui serait en première ligne.» Et voilà qu'il veut relancer une Union pour la Méditerranée qui a très vite montré ses limites, son faible impact et ses inefficiences. «Le moment est venu de refonder cette Union, à la lumière des événements considérables que nous vivons. La France fera des propositions dans ce sens.»