- Les problèmes qui se sont accumulés au cours de ces dernières années sont trop nombreux et pour certains trop complexes pour être résolus à l'occasion d'une seule tripartite. Les quelques décisions qui ont été prises à l'issue de la dernière réunion constituent-elles, à votre sens, un pas dans le sens d'une sérieuse prise en charge des difficultés qui affectent les PME, notamment les entreprises de production ? Il était en tous cas temps que l'Etat s'intéresse aux problèmes qui affectent gravement les PME et prenne ne serait-ce que quelques mesures pour rétablir le paiement des importations par les méthodes universelles connues. Les mesures de soutien apportées sont effectivement importantes, bien qu'insuffisantes pour sauver les entreprises privées de production ébranlées par deux années de recours forcé au crédit documentaire. Je les trouve insuffisantes, car je pense que pour relever ces entreprises de surcroît fragilisées pendant cette période par le marché informel, il fallait que l'Etat aille plus loin, car les pertes en matière de chiffres d'affaires, et de parts de marché subies par les entreprises de production sont trop importantes pour se suffire de ces mesures de soutien.
- Comme le credoc a été imposé par l'Etat aux entreprises de production, pourquoi les organisations patronales, présentes à la tripartite, n'ont pas demandé réparation pour toutes les pertes subies en raison de ce mode de paiement ? Il est utile que les pouvoirs publics a travers les mesures prises doivent être mises en place sans aucune ambiguïté afin d'assurer une meilleure prise en charge par les institutions concernées, notamment les banques. Pour ce faire, il aurait fallu que le patronat soit suffisamment uni pour formaliser une telle requête. Je dirai même que si le patronat était uni, le gouvernement n'aurait sans doute jamais réussi à imposer le credoc comme seul mode de paiement des importations, avec toutes les conséquences négatives sur les prix, la disponibilité des produits, le fonctionnement des unités de production et, bien entendu, les finances publiques. Il serait d'ailleurs utile de faire l'évaluation de ces pertes et dysfonctionnements multiformes qui auraient engendré la fermeture d'environ 30 000 entreprises, selon les estimations des médias. Il serait également utile de rappeler les pertes subies par les entreprises et le Trésor public algérien en termes de frais financiers générés par les commissions et frais de confirmation prélevées par les banques des fournisseurs de l'ordre 0.8 % par an sur l'importation des 2 années. Ils étaient estimés à un peu plus de 900 millions d'euros au titre des importations effectuées en 2010. Sur le plan social, il en va de même du PIB qui a accusé une baisse en raison du mauvais fonctionnement de l'appareil de production et bien des milliers de pertes de postes d'emploi, pour cause d'arrêt de production. C'est énorme et ça n'a malheureusement pas l'air de troubler ceux qui étaient à l'origine de cette imposition du credoc comme unique moyen de paiement. Avant de demander réparation, il aurait fallu que les organisations patronales commencent d'abord par faire une évaluation aussi précise que possible des pertes en question. Même si elle n'aboutit pas, cette évaluation aura tout de même valeur de démarche d'unification du patronat sur un point précis qui s'est posé en 2009, susceptible de dissuader le gouvernement de recourir, à l'avenir, à de telles décisions.
- La tripartite a pris la décision de protéger la production nationale et de la promouvoir en reconduisant le crédit à la consommation en faveur des produits nationaux. Pensez-vous qu'on puisse protéger la production nationale en tolérant, comme c'est actuellement le cas, le marché informel ? Pour protéger la production nationale, il y a lieu d'envisager un soutien fiscal, notamment la baisse du taux de TVA, ainsi que des encouragements sur le plan social, par la réduction des charges patronales et sociales. Ce qui permettra au marché informel de revenir sur le formel à travers ces mesures, avec une amnistie fiscale sur 2 ans. . - On est étonné que la question centrale de l'absence de politique économique n'ait pas été posée à l'occasion de cette dernière tripartite ? Le gouvernement doit-il continuer à orienter l'économie à coups de lois de finances complémentaires, comme c'est le cas depuis de nombreuses années ? La visibilité et la stabilité économique s'imposent sur le long terme pour l'encouragement des investissements du secteur privé, et leur promotion à travers tout le territoire national. Si on doit traiter le fonctionnement de notre économie tous les six mois, on n'a, évidemment, aucune chance d'avoir une bonne visibilité, mais par contre, on a tous les risques de passer à côté du développement. Il faut absolument tracer la politique économique du pays en concertation avec l'ensemble des opérateurs concernés, de manière à apporter les meilleures réponses possibles aux nombreux problèmes dont souffrent les entreprises. Ce manque de concertation a, à l'évidence, fait beaucoup de mal aux entreprises et il est aujourd'hui temps d'y remédier.