La série noire d'immeubles vétustes menaçant ruine pourrait se poursuivre. L'immeuble la Parisienne, joyau architectural s'il en est un, situé à la rue Adoune à Alger-Centre, a été évacué dans la soirée d'avant-hier. Tôt dans la matinée du même jour, l'hôtel du Square s'est effondré partiellement causant la mort de 8 personnes et pas moins de 20 blessés. L'immeuble de l'ex-rue Monge a connu bien des péripéties par le passé. Les autorités communales semblent, à voir la célérité imprimée à la procédure d'expulsion dans ce contexte singulier, avoir pris le train en marche. N'ayant jamais été ravalé, le bâtiment détonne dans cette enchevêtrement d'édifices vieillots. Il offre une façade craquelée par endroits et représenterait, selon la décision émise par l'Apc d'Alger-Centre, un danger imminent pour ses occupants et les riverains. Déjà atteint de plein fouet par le séisme d'El Asnam, les autorités de l'époque auraient, à en croire des échos, pris la décision de sévir, mais sans résultat probant. L'affaire s'est tassée presque une décennie pour revenir au-devant de la scène algéroise en faveur du drame qui a touché la Basse Casbah. En effet, il faut attendre, pour tout dire, le mois de mai 2003 pour voir l'Apc d'Alger-Centre prendre une décision d'expulsion portant le numéro 063. La commune motive sa décision par l'arrêt d'expertise du CTC Centre datant du 25 mars 1990 et qui a signifié le danger imminent guettant la structure. Une mise en demeure aurait même été adressée aux propriétaires le 25 juin de la même année. D'autres décisions qui ne seront jamais appliquées ont suivi. L'une d'elles a trait au danger qui viendrait des toits et l'autre de 1994 sur les lézardes des façades. Un PV aurait été, de plus, transmis à la police en juin 1991. Les dessous caractérisant le travail de la commune restent à éclaircir. L'Apc était aux abonnés absents durant toute la journée d'hier. « Le P/Apc est à la daïra », s'est contenté de nous dire une voix à l'Apc. Le problème de la vétusté en cache, aux dires des propriétaire, un autre non moins pernicieux. L'immeuble serait, pour ainsi dire, la propriété d'une ressortissante française E.W. Elle s'est fait bruyamment remarquer en dépêchant des ouvriers, afin qu'ils arrachent des portes et autres plaques de marbre. La version soutenue dans le fond de la décision d'expulsion de l'Apc est battue en brèche par les occupants des locaux de la rue Adoune. « Nous avons acheté de l'OPGI. La justice nous a donné raison à trois reprises, mais voilà que la vénérable dame revient à la charge », lâche Bouzid qui signale que la décision de l'expulser de « son bien » remonterait à 1983. A quelques pâtés de maisons, l'immeuble se trouvant au 12, rue Henri Dunant, ex-Mulhouse, n'est pas mieux loti. Il fait peser un danger imminent sur ses résidants. Une partie de l'escalier s'est affaissée « contraignant » les résidants à emprunter l'ascenseur. 22 000 immeubles vétustes... Une source à la wilaya d'Alger a avancé que le nombre d'immeubles vétustes dépasserait les 22 000 unités réparties sur différents quartiers, soit le quart des immeubles de la capitale. Pas moins de 50 000 constructions individuelles recensées sont de l'époque coloniale. D'ailleurs, pas moins de 5000 permis de démolir ont été accordés à des particuliers. Il est dérisoire de vouloir faire pour autant une cartographie exhaustive des immeubles vétustes dans la capitale, tant la situation est plus qu'effroyable. Les quartiers de la capitale qui « détiennent la palme » restent les communes de Belouizdad et Oued Koreich. La Casbah n'est pas en reste. Quelque 28 foundouk s'y trouvent. Des familles crient leur désarroi à la Rampe Valley, au Télémly, Bologhine... c'est à n'en plus finir, s'exclament des citoyens ahuris. A qui le tour ? S'ajoute à la vétusté avérée des immeubles, le danger sismique. « Entre 20 et 50% des communes seront endommagées en cas de tremblement de terre d'une magnitude 6,5. Quelque 625 000 logements seront détruits. Il y aura en plus des pertes se chiffrant à plus de 56 milliards de dinars », atteste un rapport de la JICA, bureau d'études japonais. Les conclusions, qui ne sont pas passées inaperçues, pour le commun des Algérois sont tombées apparemment dans l'oreille d'un sourd. Un programme pour l'année 2005 a été décidé par la wilaya d'Alger, mais toutefois sans résultats probants. De son côté, Abdelhamid Boudaoud, président du Collège national des experts architectes (CNEA) tient à apporter son grain de sel. « Il n'y a pas à incriminer personne. Les pouvoirs publics ne doivent nullement lésiner sur les moyens. D'ailleurs, chaque commune doit recenser son patrimoine, le classer et décider de sa destination : la réhabilitation, la démolition. », dira M. Boudaoud. Et d'ajouter que la réhabilitation du vieux bâti est un travail de longue haleine. « Il a fallu 40 ans aux Japonais pour retaper leur patrimoine, alors que les Français l'ont fait durant un siècle. Il est illusoire de faire ce travail dans la précipitation », atteste, M. Boudaoud. Les architectes doivent, à ses dires, avoir plus de pouvoir de décision, eux qui ont une indéniable capacité d'expertise. Les répartir serait la bonne formule, selon notre interlocuteur. Alger peut-elle perdre son statut de capitale ? Le projet de la nouvelle ville de Boughzoul serait-il la panacée tant attendue ?