Ghaleb Bencheikh, physicien, docteur ès sciences et président de la Conférence mondiale des religions pour la paix, prône l'étalement du rituel pour éviter les bousculades. Il est l'auteur notamment de Alors, c'est quoi l'islam ? Quel est votre sentiment après la bousculade qui a fait 362 morts à La Mecque ? C'est la consternation, la désolation. Chaque vive humaine est précieuse. Et voir chaque année des moissons de vies humaines happées est révulsant. Quand il y a un nombre aussi important de pèlerins, entre 2 et 3 millions de personnes, dans un espace exigu, malgré tous les efforts des autorités saoudiennes, on ne peut hélas qu'assister à des bousculades et donc à des décès, notamment des personnes âgées et fragiles. Ces accidents sont donc une fatalité... ? Il ne faut surtout pas nous résigner à cette fatalité. Les autorités religieuses doivent donner des fatwas pour que le rituel du pèlerinage soit plus étalé dans le temps. Il faut convaincre les pèlerins que manquer une étape de ce rituel n'est pas handicapant. De nombreux pèlerins craignent que leur pèlerinage ne soit pas agréé par Dieu s'ils viennent à en manquer une, il n'en est rien. Sur le plan de l'espace, il faut aussi agrandir l'Esplanade et le parcours, notamment lors de la lapidation du Satan pour éviter les bousculades. On pourrait, par exemple, grossir et espacer les stèles. Ce n'est donc pas une fatalité ? Non, bien sûr si on s'attelle à la réforme. On peut avoir un contrôle poussé pour que les pèlerins ne renouvellent pas leur pèlerinage. Un seul suffit. Cela permettra d'avoir un turning over, un renouvellement, et baisser par conséquence le nombre de pèlerins. Quelle serait, selon vous, la principale réforme urgente ? Il faut reprendre la geste d'Ismaël et d'Abraham, expliquer le parcours de Hagar. Hagar, la mère d'Ismaël, quand elle a été chassée par Abraham suite à sa mésentente avec Sarah, avait pris son fils et s'en est allée dans le désert. Sa course d'un point à un autre forme le parcours qu'empruntent, entre autres, les pèlerins. Son fils, Ismaël, donnait des coups de talent sur le sol, à l'endroit où a surgi l'eau de Zemzem. Abraham et Ismaël ont érigé la Kaaba, ce temple cubique, comme un lieu de sûreté et de spiritualité. C'est donc ce parcours normalement fait en une journée, qui pourrait éventuellement être étalé sur 48 ou 72 heures. Cela permettrait de mieux gérer le flux des pèlerins. Il y a aussi cette idée que mourir à La Mecque signifie, pour beaucoup, un ticket pour le Paradis... Il ne faut pas chercher la mort. Nous devons proscrire ces idées mortifères. Mourir pour mourir, autant le faire chez soi, entouré par sa famille et ses proches.