Le Sida demeure un sujet tabou à Batna. L'analogie, faite systématiquement, entre la maladie du SIDA et les relations sexuelles extraconjugales donne à cette maladie un caractère de péché et de honte. Certes les relations sexuelles restent le moyen de contamination le plus fréquent, mais il existe plusieurs moyens de contagion, nous explique le Dr Amrani, spécialiste de la médecine interne au CHU de Batna tels que les transfusions sanguines, le matériel chirurgical non stérilisé, et par voie verticale (une femme peut contaminer le fœtus). «Depuis 1991, tous les centres hospitaliers contrôlent systématiquement le sang avant transfusion», affirme notre interlocuteur. Selon le Pr. Aït Hamouda, spécialiste des maladies infectieuses, les chiffres officiels s'arrêtent à 1334 cas de sidéens et de 5381 séropositifs (porteur sain du virus HIV) de par le territoire national. «La question qu'on nous pose souvent c'est de savoir s'il existe des cas à Batna; bien sûr que oui, mais le malade a honte de se faire dépister à Batna; l'examen est donc fait dans d'autres villes», nous confie le professeur, qui ajoute: «Le dépistage est totalement anonyme, 2 ou 3 personnes sont diagnostiquées par an, et ces malades ne sont généralement pas de la ville de Batna , mais ça reste le côté visible de l'iceberg, je pense qu'il y a dix fois plus de malades.» Ce qui rejoint les chiffres avancés par l'association AnisS qui relève 19 000 cas. Les patients sont automatiquement orientés vers les centres de traitement officiels (Sétif, Constantine, Alger). Par ailleurs, le centre hospitalier de Batna n'a pas le statut d'un centre officiel de traitement du Sida, malgré la demande faite chaque année au ministère de la Santé et de la Population, qui prétexte que les statistiques de la wilaya ne sont pas suffisantes. La résistance du tabou concerne même des catégories de la société censées être évoluées. «Le jeune étudiant en médecine n'a aucune information sur la maladie et ses moyens de transmission. Je considère que quand l'information est accessible, l'ignorance devient un crime», s'indigne encore notre interlocuteur. La marginalisation des malades du Sida est telle qu'à l'occasion du 1er décembre 2011, journée mondiale pour la lutte contre le Sida, aucune manifestation ou campagne de sensibilisation ne sera organisée dans la wilaya de Batna.