De lourdes menaces pèsent sur les libertés syndicales l Les syndicalistes font de plus en plus l'objet de sanctions, licenciements et poursuites judiciaires. Jamais les droits syndicaux n'ont été aussi bafoués que ces derniers temps. Si par le passé c'est au sein des entreprises privées qu'est constaté le plus de violations, aujourd'hui, elles se sont largement étendues au secteur public. Pour preuve, le mouvement de protestation qui a secoué la zone industrielle, dont les revendications sont liées strictement au respect du droit à l'activité syndicale. D'une seule voix, les 82 sections syndicales de cette zone, où travaillent quelque 250 000 travailleurs, ont dénoncé «le refus» des entreprises, aussi bien publiques que privées, d'appliquer la réglementation relative au droit syndical. Hier, c'était au tour de certains employés de l'Agence nationale des barrages et transferts (ANBT), une société qui compte quelque 8000 salariés, de faire état d'une grave violation de la loi, sans que les autorités chargées du contrôle ne s'en aperçoivent. D'abord à travers les dispositions contenues dans les contrats de travail des agents chargés de la sécurité. L'une d'entre elles précise que l'agent «doit observer scrupuleusement les obligations de loyauté, de réserve, de neutralité, d'impartialité et s'interdire toute intervention dans les relations de travail et les litiges et conflits professionnels d'ordre administratif ou syndical au sein de l'ANBT». Ce qui est en totale contradiction avec le code du travail, qui, lui, garantit clairement le droit à l'activité syndicale à tout employé quel que soit son rang ou sa qualité au sein de l'entreprise qu'elle soit privée ou publique. Plus grave, cette clause est utilisée par la direction des ressources humaines de la même agence, pour exiger aux syndicalistes de mettre fin à leur activité. Lundi dernier, le secrétaire général de la section syndicale de la station de pompage de Bouharoun a été surpris par la réaction de ce responsable (directeur des ressources humaines), au courrier adressé au ministre des Ressources en eau, sur le climat socioprofessionnel qui règne au sein de l'entreprise. Dans cette lettre (n°33 et datée du 26 décembre 2011), le directeur qualifie le courrier du syndicaliste de «précédent grave». De ce fait, il le «somme de mettre fin» à son «action syndicaliste» et dans le cas contraire, il le menace de «prendre des mesures réglementaires». Le responsable va plus loin dans son message, en exigeant «en conclusion» de «transmettre, par écrit, un courrier relatif à votre désistement des activités syndicales et ce avant le 29 décembre 2011». Ces écrits ne sont pas des mesures isolées, mais reflètent le climat de régression des libertés syndicales dans le pays. Il y a quelques semaines, 37 employés de la société privée Decorex (qui emploie plus de 200 personnes) ont été licenciés pour avoir créé une section syndicale. Après avoir essuyé un refus pour l'obtention d'une autorisation pour une assemblée générale, au sein de l'entreprise, les travailleurs se sont réunis, un vendredi, en dehors de l'enceinte du travail. La réaction de l'administration a été brutale. Trente-sept d'entre eux ont été licenciés, parmi lesquels 5 syndicalistes, dont une femme, ont été poursuivis pour leurs activités. L'affaire est actuellement en instruction, alors qu'elle est du ressort exclusif des structures de l'inspection du Travail. A Rouiba toujours, 5 travailleurs devaient comparaître hier devant le tribunal de cette localité, pour leurs activités syndicales. Leur procès a été reporté à une date ultérieure, eu égard au mouvement de contestation de la zone industrielle à Alger. Le secrétaire général de l'union locale de Rouiba (UGTA), Mokdad Messaoudi, affirme, quant à lui, que «de nombreuses sociétés ont leur propre interprétation du code du travail. Sont exigés 20% des salariés pour la création d'un syndicat, alors que la loi est très claire. Ce pourcentage est une obligation pour être désigné en tant que porte-parole d'un collectif de travailleurs». Selon lui, les plus graves problèmes, qui se posent actuellement sur la scène du monde du travail, ont trait aux libertés syndicales. «La loi 90-14, qui consacre le droit syndical, est violée tous les jours à travers les centaines de sanctions, de licenciements de cadres et les poursuites judiciaires à l'encontre des cadres syndicaux des entreprises aussi bien privées que publiques», dit-il. Ces révélations inquiètent lourdement les travailleurs et augurent un avenir incertain aux libertés syndicales arrachées au prix de grands sacrifices. Cependant, il est tout de même surprenant que ces nombreuses et graves violations soient commises alors que dans les 48 wilayas que compte le pays, il existe des inspections du Travail dont la mission principale est de veiller au strict respect de la réglementation régissant les droits syndicaux…