Et ça repart ! L'annonce par un puissant journal iranien du lancement d'un « concours international de dessin sur le fameux holocauste », en réaction aux douze caricatures blasphématoires publiées par le média danois, a eu l'effet d'une bombe chez les dirigeants. Et, à tout seigneur tout honneur, ce sont, comme il fallait s'y attendre, les Américains qui ont ouvert les hostilités contre ce « diable » de Ahmadinejad, coupable d'avoir commandité le « coup ». Le porte-parole du département d'Etat s'est chargé, hier, d'envoyer la salve : « Toute tentative de se moquer ou de dénigrer de quelque façon que ce soit l'horreur qu'a représenté l'holocauste est simplement scandaleuse », a indiqué Sean McCormack. Ce dernier a convoqué la liberté d'expression non pas pour défendre le principe universel, mais pour priver les Iraniens et le journal incriminé, Hamshahri, d'en user. « Nous soutenons, bien entendu, à fond la liberté d'expression dans le monde, y compris en Iran, mais je ne pense pas que quiconque puisse faire une comparaison entre la liberté de la presse en Iran et la liberté de la presse en Europe ou aux Etats-Unis. » En clair, les Etats-Unis estiment, dans le cas de l'Iran, qu'il n'est pas question que ces journalistes s'expriment aussi librement que leurs collègues américain et européens. Pourtant, l'holocauste n'a absolument rien à voir avec le judaïsme ni avec la foie juive dans la mesure où ce n'est qu'un fait de l'histoire de la Seconde Guerre mondiale, sujet objectivement à débat. Mais la relation presque charnelle entre Israël et les USA et surtout le contexte de la crise sur le nucléaire iranien font que le sujet déchaîne les responsables occidentaux qui désignent clairement la cible. Mardi, le vice-président américain Dick Cheney ne s'est pas embarrassé de périphrases pour déclarer qu'il n'y avait pas « le moindre doute sur l'intention de la République islamique d'avoir l'arme nucléaire ». La formule rappelle un peu la sentence de Donald Rumsfeld à la veille de la guerre contre l'Irak quand il avait affirmé que ce pays cachait des armes de destruction massive. C'est dire que l'Administration américaine est déjà sur le pied de guerre. Liberté de... blâmer L'Allemagne, seul pays concerné par l'holocauste, puisque c'est à Hitler qu'on impute le « massacre » de juifs, a, elle aussi, réagi. Son ministre des Affaires étrangères s'est dit, hier, « très inquiet » du concours de caricatures sur l'holocauste qu'il qualifie d'« escalade ». Pour lui, il ne fait pas l'ombre d'un doute que c'est le régime iranien qui est derrière. « Il y a de quoi être très inquiet quand un Etat fait ainsi d'une guerre des cultures un instrument de son pouvoir. » « Après le déni du droit à l'existence d'Israël et de l'holocauste, les gens autour du président Ahmadinejad misent sur l'escalade », a-t-il précisé. On voit bien que ce fameux concours offre un prétexte inespéré pour une éventuelle « punition » du régime d'Ahmadinejad. Plus mesuré, le président en exercice de l'Union européenne (UE), le chancelier autrichien Wolfgang Schussel, a dénoncé, hier, ce qu'il qualifie de « spirale des provocations » après le lancement en Iran d'un concours de caricatures sur l'holocauste en réponse à la publication en Europe de caricatures du Prophète Mohamed (QSSSL). « Je demande à ce que la spirale des provocations réciproques prenne fin. Ni les caricatures de Mohamed ni la négation de l'holocauste n'ont de place dans un monde où la cohabitation des cultures et des religions devrait être empreinte de respect », a-t-il déclaré dans un communiqué. Voilà qui fait bien la part des choses et renvoie dos à dos et le journal iranien et celui du Danemark, contrairement aux déclarations belliqueuses aux entournures des Américains. Cela étant dit, ce va-t-en-guerre des responsables occidentaux pour voler au secours du sacro-saint holocauste est sans commune mesure avec leurs réactions plutôt mesurées contre les caricatures ciblant le Prophète Mohamed (QSSSL). Il y a, sans doute, une conception à deux vitesses de la liberté d'expression chez les Américains et les Européens, qui plaident à grand renfort médiatique l'imprescriptibilité de cette liberté. Mais dès qu'il s'agit d'un thème qui touche la sensibilité des juifs, la liberté d'expression cède immédiatement la place à la liberté de blâmer. De lyncher. Tout se passe comme si cette liberté serait un bien qui ne devrait pas être laissé à la portée des Arabes, et par extension des musulmans. « Vérité en deçà des Pyrénées, erreur au-delà », disait Pascal.