Aussi fin que le blues et le jazz, il adoucit depuis seize ans les soirées des noctambules chaque vendredi soir avec son émission «Black and Blue». Et fait partager aux auditeurs le 13e Festival culturel européen qui se tient jusqu'au 31 mai à Alger. Du jazz en fond sonore. Sur ses tee-shirts. En CD par centaines dans sa bibliothèque. En affiches sur les murs de son salon. Dans la vie de Adnane Ferdjioui, le jazz est partout. En ce moment, il couvre pour la Chaîne III le festival culturel européen en Algérie qui se tient jusqu'au 31 mai à la salle Ibn Zeydoun. Pourtant, rien ne prédestinait cet enfant de Hydra, d'origine constantinoise, à faire carrière dans le monde du son et des ondes, où il est arrivé, «par accident». Après son bac, Adnane Ferdjioui entame des études à l'Institut national d'agronomie (INA), qu'il arrête deux années plus tard. Il s'inscrit alors à l'institut des langues étrangères de Bouzaréah pour perfectionner son anglais, et obtient une licence en lettres anglaises. «Mon père, juriste de formation, ne voyait le monde qu'à travers des lois. Il aurait certainement voulu que je fasse droit comme lui. Mais il m'a toujours encouragé en exigeant seulement que je sois brillant», se confie l'animateur radio. Adnane avait donc du travail pour «être capable» comme le lui répétait son grand-père. Novembre 1994, encore étudiant, il croise alors un ancien ami, devenu réalisateur à la radio, qui l'invite à visiter les studios de la Radio algérienne. Le lendemain, Adnane découvre le son, le micro, la régie, la programmation, etc. Une demi-heure plus tard, un candidat pour un jeu de la Chaîne III se désiste. On propose à Adnane de jouer le jeu et de remplacer le candidat absent. L'émission finie, la directrice de la production culturelle lui propose de travailler à la radio. Quelques jours plus tard, Adnane commence à assurer la permanence avant qu'on lui propose de présenter «Turbo Musique» en l'absence de son animatrice. Le défi fut relevé. Réchauffer le coeur En juillet 1996, Adnane se voit confier sa première émission, en l'occurrence «Black and Blue». Le concept est simple : la première partie de l'émission est consacrée au jazz, la seconde au blues, entrecoupées par la biographie d'un artiste. L'animateur, nourri de la discothèque de la radio et de ses CD qu'il se procure à l'étranger depuis plus de dix ans, s'affirme comme un spécialiste. Après son service national et une expérience d'enseignement auprès des officiers à l'Ecole supérieure de Gendarmerie nationale, il confie avoir «découvert l'Algérie à travers mes camarades du service national. A mon retour sur Alger, j'ai adapté mon discours dans mon émission de façon à ce que mes compatriotes me comprennent à travers tout le pays». Il fut également marqué par les années du terrorisme. «Le pays était soumis à la terreur, mais nous avions une réaction d'autoprotection. Nous refusions de changer notre vie, nous continuions de mener le même mode de vie, même si on était menacés et traités de mécréants, car on parlait la langue du “diable“», ironise Adnane, en détournant son regard bleu comme pour fuir les images horribles de la tragédie nationale. Il ne cessa de travailler la nuit dans une Alger terrorisée. «Je considérais que le fait de réchauffer le cœur des auditeurs avec de la musique qui les emporte loin d'ici, loin de la dure réalité était ma mission, pendant ces années noires», révèle Adnane. Aujourd'hui, l'animateur radio ne se contente pas seulement d'animer «Black and Blue». Il réalise également en freelance des spots publicitaires et offre ses services de consultant audio à des agences de communication. Une liberté qui lui permet d'écouter et d'apprécier la musique du jazz qu'il découvrit en 1986. Et sa relation passionnelle avec la musique, en particulier le jazz et le blues, se nourrit de la perfection et de la justesse que lui exige un public averti. «Le jazz est plus qu'un genre de musique. On y trouve de tout, du reggae, du raï, du rock…, explique-t-il. Mon plus cher souhait serait d'organiser un «Black and Blue» live en plusieurs soirées.»
-Un voyage inoubliable Ma tournée de prospection à travers l'Afrique de l'Ouest (Niger, Mali, Burkina Faso, Côte d'Ivoire, Gabon) dans le cadre de la préparation du deuxième Festival panafricain. -L'endroit que je préfère en Algérie Le Sud algérien. J'aime prendre l'avion pendant plus de deux heures et atterrir dans le même pays, l'Algérie. J'aime le Sud, car là-bas, je rencontre des gens qui ne me ressemblent pas physiquement, avec une autre culture et un autre mode de vie, mais qui partagent avec moi la même nationalité. -Mon morceau de musique préféré In a silent way, de Miles Davis. Je l'écoute depuis 1992. «Ce morceau de 19 mn 57 s éveille en moi des sensations que je ne peux décrire, ni trouver dans un autre morceau.» -Une nouvelle dans l'actu qui m'a fait réfléchir Les élections législatives de la semaine dernière. On a beau critiquer et dénoncer, je trouve que les dernières élections apportent une lueur d'espoir à l'Algérie. Après 50 ans d'indépendance, et avec toutes les richesses humaines et naturelles que recèle notre pays, nous pouvons passer à une autre phase, celle des réalisations et non pas des «essais». L'Algérien a acquis de la maturité et de l'expérience, il n'a plus le droit à l'erreur. -A part le jazz, j'aime… Le poisson, la natation et l'Afrique subsaharienne. -Mes musiciens préférés Miles Davis, trompettiste jazz. Joe Zawinul que j'ai reçu en Algérie en 2004. En Algérie, j'ai beaucoup de respect pour Karim Ziad. -4 dattes ayant marqué ma vie *Novembre 1994 : il entre pour la première fois à la radio algérienne. *Juin 1996 : il consacre une émission en hommage à Ella Fitzgerald, grande chanteuse américaine du jazz, décédée en juin 1996. *Juillet 1996 : première diffusion de «Black & Blue». *Juin 2006 : on le nomme directeur artistique de «Alger Festival gnaoui».