L 'Union européenne retient son souffle. La crise financière internationale de 2008 et son exacerbation au fil des ans, particulièrement ces derniers mois dans la zone euro, ne manquent pas d'affecter des secteurs entiers de la finance. Bordeaux. De notre envoyé spécial
La préoccupation est à son comble dans cette partie du monde, à l'heure où la déstabilisation des secteurs de l'économie de nombre de pays du vieux continent, particulièrement l'Italie, le Portugal, l'Espagne et la Grèce, semble faire penser chaque jour davantage au risque de contagion à d'autres membres de la très fragile zone euro ! Le PDG du groupe AXA, Henri de Castries, a, lors d'une rencontre avec les journalistes de nombreux pays européens et non européens près de Bordeaux, considéré que la sortie de la Grèce de la zone euro ouvrirait la «boîte de Pandore» en raison du risque de contagion. Mais jusqu'ici, ce n'est pas encore l'affolement, du moins dans le secteur des assurances, contrairement au secteur bancaire. Ce groupe rassure, en effet, sur sa solidité à contenir le choc de la crise qui a déjà assez sérieusement ébranlé les établissements bancaires, dont nombre d'entités viennent d'ailleurs d'être engagées dans une mauvaise passe. La quatrième banque espagnole, Bankia, en proie à des difficultés graves, risque d'entraîner dans son sillage tout le pays dans la crise. Bruxelles reste en tout cas très attentive aux signes d'essoufflement de la quatrième économie européenne. Le groupe AXA, lui, affiche la sérénité. «Notre performance est stable depuis 2008», annonce Denis Duverne, le n°2 de l'assureur français AXA, premier groupe européen du secteur. «En 2011, nous avons obtenu un résultat de 5,6 milliards d'euros. Avec beaucoup de ventes et quelques acquisitions dans les marchés émergents, donc avec tout cela, nous avons pu maintenir nos gains malgré les turbulences du marché», témoigne M. Duverne. Mais les défis ne manquent pas. En effet, selon lui, «la crise va durer plus longtemps». Un fantôme qui a pour nom l'éclatement de la zone euro. Le groupe financier a, d'ores et déjà, engagé une étude très sérieuse sur l'impact d'un éventuel éclatement de la zone – sans doute plus probable aujourd'hui qu'hier en raison de la situation de plus en plus critique de la Grèce, mais pas seulement. Un scénario catastrophe a même été mis en place. Néanmoins, le PDG du groupe AXA, lui, préfère tout de suite rectifier le tir en affirmant qu'il ne s'agit pas là d'un «scénario central» du groupe. Le boss entend rassurer. Il n'aimerait pas trop y croire. «La sortie de la Grèce de la zone euro n'est pas notre scénario central. Nous pensons que la zone euro va survivre, mais notre travail est de nous préparer à ce scénario. Notre rôle, en tant qu'assureur, est de survivre à une période inhabituelle, dans presque toutes les périodes inhabituelles.» N'empêche. Le risque n'est-il pas déjà «la matière première» des assureurs, ainsi que le décrit Jean-Christophe Menioux, responsable du risque au sein de ce groupe. «Ma responsabilité, dit-il, est de vérifier qu'AXA peut faire face à une telle situation.» Ainsi, «pour la Grèce, il y a deux options : elle reste (dans la zone euro) ou elle sort. (...) Si elle reste, une solution serait qu'elle fasse défaut sur la dette détenue par des institutions publiques. Mais ce ne serait pas un modèle vertueux par rapport aux pays qui font des efforts comme l'Espagne, le Portugal ou l'Italie», note le premier responsable du groupe. Mais si, justement, elle ne restait pas dans la zone ? C'est précisément pour cela qu'on a pensé au pire. «L'année dernière, on a considéré que la Grèce pourrait sortir et cela pourrait amener à l'éclatement de la zone euro. On a mis ce scénario… Concevoir des convergences de devises avec l'euro et ensuite dévaluer a monnaie de 40 à 50%... Qu'est-ce cela signifie pour un pays comme l'Angleterre au niveau de sa législation ? On a travaillé sur ce genre d'hypothèses. On ne croit pas vraiment à cela, mais cela pourrait arriver. Comment sera le passif avec une dévaluation ? Côté actif, on a noté les pays (de l'Allemagne à la Grèce). On soutiendra une convergence entre les devises. En cas d'événement de ce genre, on a prévu un scénario local.» Dans cette hypothèse, le groupe dit être «capable de soutenir la sortie de la Grèce», même s'il ne cache pas qu'il serait quand même «impacté sévèrement». La situation est-elle maîtrisée pour autant ? «Si la Grèce quitte l'euro ? Nous sommes une société rentable. On aura des bénéfices sur les actifs. L'opération sera rentable avec la dévaluation des devises», rassure le n°2 d'AXA. Mais à y regarder de plus près, l'optimisme n'est pourtant pas si intact. Le groupe a déjà gelé ses investissements depuis 2 ans en Italie et en Espagne et, en Grèce, depuis 5 ans. La difficulté ne semble pas totalement surmontée tant que l'équation à plusieurs variables bute sur une inconnue supplémentaire, à savoir le comportement des autres pays européens dont la situation économique est déjà si fragile. «Est-ce qu'il y a une contagion dans d'autres pays, telle est la question centrale. Sans compter que la sortie 'désordonnée' de l'euro serait fatale.» Un désavantage concurrentiel pourrait générer un «éclatement de la zone euro». Le PDG du groupe AXA considère que les assureurs «ne peuvent pas mourir d'une crise cardiaque, mais peut-être bien d'une leucémie». M. de Castries livre son diagnostic : «Il y a deux risques systémiques qui sont entre les mains des législateurs : un, la zone euro ; deux, les taux d'intérêt artificiellement bas…»