Une centaine de familles vit dans ce bidonville hérité de la période coloniale. Les habitants réclament leur part de développement. Zenina est un bourg perdu au pied des monts de Ammal, à 30 km au sud-est de Boumerdès. Il est 15h, ce mercredi. Une dizaine d'enfants jouent nonchalamment au ballon sous un soleil de plomb. Des ouvriers de l'APC s'affairent à colmater une fuite signalée sur le réseau des eaux usées. Deux filles munies de sachets déambulent dans les dédales d'un invraisemblable cafouillis de taudis. Ceux qui y habitent vivent dans la précarité la plus absolue. Une misère dans toutes ses facettes qui contraste avec des sites paradisiaques où se mêlent verdure et montagne. La cité a été construite 1958 par les autorités coloniales au bord de Oued Issers. Elle comprend 75 bâtisses abritant une centaine de familles. Le site a subi des transformations profondes. De nombreuses baraques de parpaings ont pris forme sur le rivage de l'oued. Elles ont été construites durant la décennie noire.Les habitants apostrophés ont honte de nous faire visiter leurs masures. Certains s'entassent dans des chambres de 2 m2 construites à 20 m du lit de l'oued. Hamid, père de trois enfants, se souvient à ce jour des inondations qui s'y sont produites en 1989, puis en 2002 et 2007. «De nombreuses baraques avaient déjà été emportées par les eaux. Leurs occupants n'ont pas été relogés à ce jours», nous confie-il. Les 14 familles qui ont perdu leurs taudis en décembre 2002, n'ont toujours pas bénéficié d'un toit décent. Elles ont été relogées pendant quatre ans avant d'être expulsées par une décision de justice en 2008. «Nos anciens appartements ont été attribués en 2004 pour ceux qui ont des bras longs dans l'administration, dont des proches des membres de l'assemblée sortante», dénonce Ali, un sinistré hébergé depuis trois ans chez ses proches à Lakhdaria. «C'est de l'exode forcé. Moi je me suis retrouvé à Lakhdaria depuis 4 ans. Les autres sont éparpillés un peu partout, à Dellys, Blida, Cap Djenet...», regrette-t-il. Pourtant ce n'est nullement les logements qui manquent dans cette localité rurale. À quelques 100 m de la fameuse cité, un bloc de 20 appartements, achevés depuis 2009, attend d'être attribué. «À chaque fois que nous venons demander leur livraison on nous demande de patienter», fulmine Djamel, avant d'évoquer les fausses promesses des responsables qui se sont succédé à la tête de la wilaya. «Tous les walis sont venus ici. Y compris l'actuel chef de l'exécutif. Ils ont pris des photos du site, mais ils les ont certainement mises dans les tiroirs», lance-t-il. Et d'enchaîner : «Même l'actuel ministre de la Jeunesse et des sports nous a promis de nous octroyer des logements. C'était quelques jours avant les législatives de 2007. Il était venu ici et puis il n'y a jamais remis les pieds bien qu'il ait été élu député».Djamel dit avoir été convaincu que Djiar ne pouvait rien faire pour eux. Les opérations de rénovation lancées par les responsables locaux durant ces dernières années pour remédier au problème d'insalubrité étaient un coup d'épée dans l'eau. «C'est de l'argent jeté par les fenêtres. Et il n'y a que les entrepreneurs qui en tirent profit, car nos élus feignent oublier que le réseau est situé au même niveau que l'oued», explique un autre habitant. Zohra Aïrou, une septuagénaire, vit dans ce bourg depuis le cessez-le feu. «Je suis une fille de Chahid. Mon père a sacrifié sa vie pour ce pays et je ne sais même pas où il a été enterré», se souvient-t-elle. Aujourd'hui, cette femme vit la peur au ventre ; sa maison menace de s'écrouler et d'être emportée par les eaux à tout moment. L'indépendance ne lui a finalement pas permis de réaliser tout ce à quoi rêvaient son défunt père et ceux qui se sont sacrifiés pour que l'Algérie soit libre et prospère.