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Au cinéma
Souvenirs d'enfance, un chapitre d'un manuscrit intitulé Les boumzins englués
Publié dans El Watan le 23 - 08 - 2012

Les enfants commençaient à aller au cinéma tout seuls. Cependant, si certains étaient autant dire des abonnés, nombreux étaient ceux qui, par manque d'argent, n'y allaient que rarement.
Un dinar et vingt centimes le ticket d'entrée, c'était peu, mais coûteux pour Salim et bien d'autres enfants plus pauvres que lui. S'il arrivait à Salim d'avoir des sous de son grand-père ou de sa mère, ce qui était rare, il les mettait de côté, attendant de se procurer de quoi payer un billet, et attendant en même temps l'affichage d'un beau film. Cependant, ils ne manquaient jamais d'aller au centre-ville admirer la nouvelle affiche et d'en lire avec délectation tout ce qui était inscrit dessus, il y en avait qui apprenaient les inscriptions par cœur, si bien qu'ils pouvaient facilement les réciter à leurs amis dans la rue. Ils poussaient toujours jusqu'à la salle de cinéma Arela, l'unique de la ville, rien que pour voir, lécher les photos de réclame, et là, les yeux grands ouverts, ils s'imaginaient des histoires passionnantes, des récits féeriques ; ils s'en retournaient à la rue, rêvassant, un peu déçus de n'avoir pas assez d'argent pour pouvoir regarder le film du jour. Mais si l'occasion de voir un beau film était ratée - ça l'était toujours pour les enfants pauvres -, il se trouvait toujours quelqu'un qui, le soir dans la rue, le leur racontait bien volontiers, souvent même sans qu'on le lui demandât, et qui le faisait par le menu détail, sans en oublier la musique, plus enthousiasmé pour les héros que ne l'aurait été le but du film lui-même, un autre plaisir de revivre le film.
Pour les autres, qui écoutaient avec une attention toute particulière, c'était comme s'ils l'avaient vu de leurs propres yeux. Certes, ils avaient grandi avec des illustrés, qui leur avaient fait connaître les cow-boys et les Indiens, - ils lisaient toujours, suivaient assidûment, passionnément chaque numéro de Blek le Roc, de Miki le Ranger, de Cossis, de Kit Carson, etc.- mais chaque fois qu'ils les voyaient qui parlaient et se déplaçaient comme eux, comme dans la réalité, ils étaient au comble du bonheur. Les films muets qu'on leur faisait voir pour vingt centimes, à l'école, n'étaient rien, comparés à ceux qui passaient au cinéma. Cependant, Charlot les faisait bien rire. Désormais, leurs nouveaux héros avaient pour noms John Wayne, Garry Cooper, Allan Lad, Yul Brunner, Marlon Brando, et bien d'autres encore. Oui, ils aimaient bien les films western, mais les «films romains», un peu plus, avec leurs héros, Hercule, Spartacus, Romus et Romulus, Ulysse, etc.
Un jour, on afficha Samson et Dalila, on disait que Samson était plus fort que Hercule, et que sa force résidait dans ses cheveux, c'est-à-dire qu'il devait mystérieusement sa puissance physique à la longueur de ses cheveux. Or, Dalila les lui coupa... L'affiche était alléchante, d'autant plus que Dalila sonnait comme «une fille de chez nous», selon l'expression de Amara. En fait, les enfants comptaient au moins trois filles portant ce prénom dans la rue Barberousse, ils disaient que Samson ne pouvait être que de chez eux !... Enfin, ils étaient excités, si désireux de le voir qu'ils étaient prêts à voler leurs parents s'il le fallait. C'est en effet ce que firent beaucoup d'entre eux, ils commirent leur larcin, ne dépassant pas toutefois le prix du billet. Quant à Salim, ses économies étant jalousement gardées pour le grand jour, et jugeant que celui-ci en était un, il les sortit de sous une pile de livres et de cahiers, cachées là à l'abri des mains indiscrètes et voleuses de ses deux frères, Djamel et Abdelkamel, qui fouinaient partout.
Le seul enfant qui n'eut pu se procurer de l'argent était Youcef. Non pas qu'il refusât d'en chiper à son oncle, mais, au contraire, il eut beau chercher, rendre la maison sens dessus-dessous, il n'y trouva pas même un douro troué. Puis, n'y tenant plus, il osa lui demander cette modique somme. Il le congédia en le grondant énergiquement. « Quand tu veux du tabac à chiquer, lui dit-il, il faudrait encore que je te donne de l'argent de poche! Allez, va-t-en d'ici que je ne te voie pas! Loue seulement Dieu pour ce que tu trouves à manger chaque jour à ta faim!» Youcef, après leur avoir conté sa déception, ajouta d'un air épouvanté :
«Vous remarquez que je ne lui ai pas dit que c'est pour le cinéma!... Sinon, je ne sais pas ce qu'il m'aurait fait!» Mais il fallait bien qu'il allât avec eux, autrement ils verraient le film, ils en étaient convaincus, dans une ambiance qui ne serait pas tout à fait agréable. Enfin, quelqu'un leur suggéra de faire une collecte de ce qu'ils avaient en plus de l'argent nécessaire pour le billet, mais, cela fait, il manquait encore vingt-cinq centimes. Où les trouver ?
On vendrait bien un illustré ! fit subitement Salim, le regard pétillant de joie.
- Oui ! répliqua quelqu'un d'une voix aiguë.
- C'est une bonne idée, convint Amara.
- Mais où est cet illustré ? demanda Youcef impatiemment.
- Je l'ai ! répondit Salim.
Il s'agissait d'un album de bande dessinée, un vieil Astérix, que lui avait offert son camarade de classe, Damoussi.
Va vite le chercher, le pressa Sebti, et nous descendrons, car bientôt ça sera l'heure de la vente des billets.
- Oui, vas-y vite!
Au centre-ville, le brocanteur ambulant le trouva cher, il voulut qu'on le lui cédât pour dix centimes. Puisqu'il ne restait pas beaucoup de temps, ils décidèrent d'essayer de le vendre près de la salle de cinéma, la dernière chance.
Il y avait beaucoup de monde, cela n'était pas étonnant.
Tahar siffla puis dit :
Si l'on y jetait un œuf, il ne tomberait pas !
On vendait déjà les billets.
Un jeune homme en tenue militaire avait enlevé son ceinturon et cinglait violemment, à l'aveuglette, les gens, pour la plupart des enfants et des adolescents, qui étaient collés au mur de la salle, leur criant de ne pas pousser, malgré les coups qui pleuvaient sur eux, ils tenaient chacun fermement leur place, sans mot dire, les traits tirés.
Un agent de police se tenait debout dans le chambranle d'un battant à demi ouvert, et les faisait entrer par petit nombre. Un autre militaire entrait dans la salle, sans respecter la file, et en sortait avec des billets plein les mains qu'il distribuait à des gens, militaires et civils, certainement des amis à lui ; il devait en avoir beaucoup.
Quand je serai grand, je m'engagerai dans l'armée, s'écria Sebti, dont les yeux étaient fixés sur l'entrée de la salle ; je vous achèterai les billets sans faire la queue.
- Moi aussi, murmura Sami.
Ils avaient rencontré d'autres enfants de la rue Barberousse, mais aucun n'avait un centime sur lui. Youcef avait happé l'illustré des mains de Salim et criait dans la foule :
Qui veut un Astérix à vingt-cinq centimes ? Vingt-cinq centimes, c'est tout !
Les autres le suivaient, louvoyant parmi les gens, parfois quelques-uns criaient avec lui.
Un grand garçon s'approcha de Youcef, il mangeait un casse-croûte. Il prit l'illustré, se mit à le feuilleter.
Il coûte plus que ça, disait Youcef, mais comme il me manque cette somme... Je ne voulais pas le vendre, mais..»
L'autre fouilla un instant dans ses poches puis sortit une pièce de vingt centimes.
Je n'ai que ça...
- Encore cinq centimes, s'empressa de dire Youcef.
- Je n'en ai pas.
- Accepte, intervint Amara.
- Oui, accepte, répéta Salim.
Le marché conclu, Youcef se tourna vers ses amis.
Cinq centimes seulement, bon Dieu! Comment allons-nous les trouver ?...
- Ne désespère pas, dit Amara.
A ce moment arriva Badri, suivi de Aïssa et plusieurs autres grands garçons de la rue Barberousse.
Alors, Youcef, il te manque vingt-cinq centimes ? lui demanda Aïssa, souriant.
- Non, cinq centimes, c'est tout, répondit Youcef.
Badri lui mit dans la main vingt-cinq centimes.
Pourquoi me disais-tu qu'il lui manquait vingt-
cinq ? s'écria Aïssa en regardant ce dernier.
- Mais on a vendu l'illustré de Salim à vingt centimes, répliqua Youcef.
-Rends-moi les vingt centimes, fit Aïssa, la main tendue.Youcef s'exécuta.
En vain cherchèrent-ils l'enfant qui leur avait acheté l'illustré pour se le faire restituer.
Tu vas voir le film ? demanda Salim à Aïssa.
- Nous, nous irons en soirée.
- Vite, les billets, vagit Badri, avant qu'on les épuise !
Tendant les mains vers ses amis, Tahar dit :
Donnez-moi votre argent.
Il le prit et alla se coller au dernier de la file,
disant :
C'est donc huit billets orchestre.
Avant de les quitter, Aïssa leur dit :
Si vous n'arrivez pas à acheter les billets, appelez-nous, nous sommes près du vendeur de casse-croûtes.
Peu de temps après, Tahar sortit de la salle de cinéma, le visage rouge, les cheveux ébouriffés, la mine triste.
C'est complet ! lâcha-t-il.
- C'est vrai!?» s'inquiéta Badri.
Les autres enfants restaient bouche bée.
Celui qui était avant moi, avait raflé tous les billets restants... Les voilà! Ne pleurez pas !
Il les agitait du bout des doigts, en souriant de toutes ses quenottes. Comme ils étaient heureux !
Quand il leur eut donné à chacun son billet, Salim leur proposa de retourner chez eux pour manger un morceau, car il restait encore plus d'une demi-heure avant le commencement du film, il n'était que quinze heures vingt. La plupart ayant refusé, on attendit l'ouverture du portail, debout sur l'autre trottoir. Impatiemment. Lorsqu'on sortit de la salle, il faisait presque nuit. Les enfants de la rue Barberousse s'appelèrent, se regroupèrent avant de repartir chez eux.
Hé, là ! gros cochon, tu ne vois pas où tu mets les pieds, s'écria Sebti à l'adresse d'un enfant tout rondelet.
- ça va, mesure un peu tes propos, espèce de mulet!
- Ah ! bon, moi mulet ?
Là-dessus, Sebti lui décocha un coup de poing en plein visage. Aussitôt un cercle de bambins se fit autour d'eux. L'enfant n'eut pas le temps de se reconnaître que Sebti le prit carrément à bras-le-corps puis le jeta rudement.
Oh! quelle force ! lança quelqu'un, étonné.
- On dirait Samson, dit un autre.
L'enfant s'était relevé et fila en boitillant.
Sur le chemin du retour, Salim dit à Sebti :
Pourquoi l'as-tu frappé, le pauvre ?
- Mais est-ce que tu l'as vu qui me marchait sur le pied ? Je ne sais pas pour qui il se prenait, dit Sebti, l'air triomphal.
- Ce n'est pas vrai, il ne t'a rien fait ! Il ne t'a même pas touché !
- Alors tu me prends pour un menteur ? Oh, toi, tu me casses toujours les pieds! Tu me contredis tout le temps! Un de ces jours, je te réglerai ton compte !
- Pourquoi pas maintenant ? rétorqua Salim en s'arrêtant.
Ils allaient se prendre au collet quand Tahar et Amara s'interposèrent. Amara gronda son frère.
Si tu ne te tiens pas tranquille, je le dirai à mon père, ajouta-t-il.


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