Le stand de l'esprit Panaf a accueilli, mardi après-midi, deux intéressantes rencontres sur l'évolution de la littérature, Philosophie et communication en Afrique. En dépit d'une chaleur suffocante, un brouhaha assourdissant et des coupures de courant par intermittence, les différents intervenants se sont surpassés dans leurs brillantes interventions. Dans son intervention portant sur l'évolution de la littérature en Afrique, l'universitaire algérienne, Amina Bekkat, spécialisée dans la littérature africaine, est arrivée à l'issue de ses nombreuses recherches au constat que le premier roman nègre est celui signé par un Guyanais René Maran, Batouala, sorti en 1921. La préface est à forte connotation polémique. «C'est là où l'écrivain commençait à critiquer la colonisation en parlant de la pseudo civilisation européenne qui n'a apporté que la mort et le désespoir partout», explique-t-elle. Amina Bekkat est passée ensuite aux premiers textes avant les indépendances, puis la négritude. Un mouvement qui a rendu aux Africains la fierté d'être Noir, ensuite on est passé à la fierté des indépendances et leur célébration. La conférencière indique qu'il y avait une voix discordante, celle de Yambo Ouologuem qui, en 1968, a écrit un très beau roman, Le devoir de violence. Ce beau livre aborde la thématique de l'Afrique, un continent qui n'était pas heureux avant la colonisation, mais où la violence existait déjà. «Ce roman allait un peu contre ce que les autres disaient, si bien qu'on l'a tout de suite accusée d'avoir plagié Maupassant et d'autres encore. Après l'exaltation pour les indépendances, très vite il va y avoir la désillusion des indépendances.» Tout le monde se rend compte très vite que les indépendances n'ont pas apporté le bonheur tant souhaité, puisque de nouvelles classes de Noirs ont remplacé les blancs d'autrefois. Aucun changement n'est opéré, c'est plutôt le désenchantement. Place ensuite aux malheurs de l'Afrique à travers entre autres les massacres, la sécheresse et la misère ; des situations extrêmes qui ont été dépeintes par les auteurs. Actuellement, il existe une tendance de littératures nationales. «On parlait de littératures africaines avec un ‘‘s''. Les Européens n'en veulent pas et considèrent qu'il y a une littérature africaine, mais les Africains eux-mêmes ne sont pas trop divisés sur le sujet», a-t-elle conclu. La deuxième rencontre au programme a permis de lever le voile sur la philosophie et la communication en Afrique. Le premier intervenant, Aboubacar Demba Cissokho, critique littéraire cinéma et journaliste reporter au Sénégal, est convaincu que la jeune génération de réalisateurs dans les pays africains a du mal à avoir une visibilité à l'extérieur, d'où le questionnement du journaliste : comment peut-on prendre en charge aujourd'hui ce bouillonnement impulsé par des mécanismes culturels ? Il est impératif, selon lui, de créer des lieux de diffusion et des réseaux. Il avoue que sa visibilité du cinéma africain est conservée dans les festivals qu'ils couvrent en tant que journaliste. La diffusion de la culture pose problème. Le répondant doit être l'Etat. L'intervenant préconise un échange Sud-Sud afin que les Africains se rencontrent, en échangeant leurs expériences communes. Kateb Yacine est inconnu dans les pays africains, heureusement qu'il a été porté par son pays d'origine. Aujourd'hui, le seul écrivain connu dans les pays africains est Yasmina Khadra. «Il est temps que les pays africains soient le centre de l'édition africaine. Personne ne viendra faire votre production», ajoutera Demba Cissoko. Pour sa part, l'éditeur togolais, Galokpo Kouassivi, a argué que chaque région du continent est porteuse de philosophies, une caractéristique influente sur l'actualité des peuples.