La centrale syndicale qui a fait mine de s'offusquer lorsque le représentant du Fonds monétaire international (FMI) avait recommandé à l'Algérie de ne pas augmenter les salaires n'a pas manifesté une telle indignation quand le président de la République a exprimé le même point de vue. Les arguments de Abdelaziz Bouteflika étaient pourtant similaires à ceux d'Erik de Vrijer, le chef de la délégation du FMI en visite à Alger. Alors que le président Bouteflika avait lié la revalorisation des salaires au triptyque " croissance, inflation, productivité ", l'expert du FMI justifiait sa position par le fait qu'une augmentation qui dépasserait les " limites supportables " des entreprises, induira forcément un retour à l'inflation et un impact négatif sur les performances de l'économie dans son ensemble. Une chose est sûre : l'augmentation des salaires est l'un des dossiers sur lequel les gouvernants algériens et les représentants du FMI s'entendent le mieux. Les représentants du FMI précisent qu'ils ne font là qu'apporter un conseil " technique " que les autorités algériennes ne sont pas tenues d'appliquer. La mission dit craindre que les autorités algériennes ne sachent pas profiter de l'extraordinaire rente pétrolières pour, soutiennent ses représentants, mener à bien les réformes, encourager l'investissement et construire les infrastructures dont le pays a besoin. Ils prônent ainsi une gestion " prudente " des dépenses publiques et se félicitent du fait que le budget soit calculé à partir d'un baril de pétrole à 19 dollars. " S'il n'y a pas une gestion prudente de l'argent du pétrole, l'inflation serait inévitable ", assène M. de Vrijer. Il ajoute : " Nous ne sommes pas contre l'augmentation des salaires mais il faut savoir que si l'augmentation est très importante, la compétitivité va diminuer et il sera très difficile à l'entreprise de faire face à la concurrence extérieure". Néanmoins, nuance-t-il, si l'Etat algérien développe une politique salariale avec des marges qui ne mettraient pas l'économie en danger, il est possible de répondre aux revendications des travailleurs. Dans leurs analyses de la politique salariale dans notre pays, nombre d'économistes algériens abondent dans le même sens. Pour M. Lamiri, économiste, il est indubitable que l'Etat doit augmenter les salaires pour, dit-il, rattraper l'inflation perdue. " La croissance passe par une augmentation de salaires, qui serait beaucoup plus un effet de rattrapage (...) une partie de l'argent de l'Etat doit aller à l'éducation et une autre devra être réservée aux crédits pour les jeunes chômeurs ", estime-t-il. Pour lui, L'Etat peut aujourd'hui aller jusqu'à 30% d'augmentation. " Au-delà, il sera difficile de supporter les coûts ", explique-t-il. Mohamed Saib Musette, maître de recherche au Centre de recherche en économie appliquée pour le développement (Cread) estime, de son coté, qu'une importante augmentation de salaires à l'heure actuelle pourrait mener à d'autres problèmes. Pour lui, l'Algérie pourra supporter les coûts d'une augmentation de salaires à condition qu'elle conduise des réformes du système administratif. Ceci s'explique surtout par l'incohérence de la politique salariale algérienne. " Depuis les années 80, l'Etat n'établit plus d'études de poste pour savoir si les salaires sont justes. Malgré les nouvelles technologies qui sont apparues, le système est resté figé depuis plus de 20 ans. Le calcul du point indiciaire de la Fonction publique n'a pas bougé. L'on a gonflé les salaires par les primes mais il y a un véritable problème de fond qui se pose ", constate M. Musette. Avant de procéder à une augmentation de salaires, l'Etat devrait, d'après lui, entamer une série de démarches pour " assainir " l'administration. En tout état de cause, le chef du gouvernement, M. Ahmed Ouyahia a indiqué que tout n'est pas encore perdu pour les travailleurs qui revendiquent une revalorisation de leurs salaires. " L'espoir est permis ", a-t-il glissé devant les journalistes. Alors, Augmentation ou pas ? La réponse sera connue lors de la prochaine tripartite à condition que le gouvernement, le patronat et la centrale syndicale se décident à fixer une date pour ce rendez-vous...