La surprenante «démission» d'Ahmed Ouyahia du RND sonne le tocsin. Les grandes manœuvres pour l'élection présidentielle d'avril 2014 ont sans nul doute déjà commencé. Les différentes factions du régime se mettent, d'ores et déjà, en ordre de bataille. A seize mois du rendez-vous présidentiel et après la clôture des élections intermédiaires (législatives et locales), la mécanique semble réellement mise en branle. Le retrait de l'ex-Premier ministre de la direction de ce parti, qui aurait pu lui servir de rampe de lancement pour arriver à El Mouradia, suscite moult questions. Ouyahia n'ayant pas fait mystère, depuis quelque temps, de son ambition de présider aux destinées de la nation, son «élimination», aujourd'hui, de la course à la présidentielle est-elle définitivement établie ? La question reste tout à fait légitime dès lors que d'aucuns ont les yeux braqués sur l'hypothétique candidature du président Bouteflika. Les spéculations vont bon train tant il est vrai que le départ précipité de Ouyahia pourrait être interprété comme la volonté d'écarter un potentiel candidat aux ambitions connues. Ceci d'une part. D'autre part, il y a lieu de noter que les élections intermédiaires bouclées, l'heure est venue d'engager ce qui aurait pu être considéré comme la «mère» des réformes politiques promises, en l'occurrence la révision de la Loi fondamentale. Cette nouvelle échéance à elle seule est susceptible d'expliquer tout ce frémissement qui s'est emparé du pouvoir, à l'orée d'une révision constitutionnelle que tout indique qu'elle se déroulera dans des conditions antidémocratiques. A telle enseigne qu'il est permis de s'interroger sur les intentions des «artisans» des réformes décidées à la hussarde, dans la foulée du soulèvement dans certains pays arabes. Car la nature de la prochaine élection présidentielle pourrait bien fixer celle de la révision constitutionnelle. Bouteflika succédera-t-il à lui-même ? Le rendez-vous avec le changement aura-t-il lieu ? En définitive, le scrutin sera-t-il libre, comme l'exigent les quelques forces du changement démocratique encore audibles ? Autant de questions qui restent, certes, sans réponse, mais dont semblent se saisir en tout cas nombre d'acteurs et d'observateurs politiques.«L'objectif poursuivi par les laborantins du palais d'El Mouradia est de mettre en place les instruments politico-juridiques pour assurer, d'une part, la candidature dans des conditions acceptables de l'actuel Président pour un quatrième mandat et, d'autre part, une succession en cours de mandat qui garantisse vraiment les intérêts du clan et, plus largement, une pérennisation du système», analyse le politologue Rachid Grim (El Watan d'hier).Par ailleurs, il y a tout lieu de considérer les processus de redressement au sein des partis comme le FLN, le RND, le MSP. Toutes ces mécaniques semblent obéir aux calculs de succession à la présidence de la République. Les tenants du pouvoir s'affairent à préparer une élection présidentielle sans heurt. La succession dynastique mise en veilleuse, conséquence des révolutions démocratiques dans la région, l'option d'un quatrième mandat est «fortement avancée» par l'entourage immédiat du Président. Abdelaziz Bouteflika, au bilan politique contestable et à l'état de santé affaibli, est-il toujours un homme aussi grisé par le pouvoir que lorsqu'il a fait voter une nouvelle Constitution en 2008 en faisant sauter le verrou qui limitait les mandats présidentiels ? «Bouteflika ne jure que par un mandat à vie. Seul son état de santé pourrait l'empêcher de succéder à lui-même», estime un politologue qui a requis l'anonymat. Politiquement plombé et économiquement fragilisé, le pays pourrait-il dans ce cas se permettre un quatrième mandat «assumé» par un Président malade et qui, de surcroît, concentre l'essentiel des pouvoirs ? Un scénario catastrophe. «Un quatrième mandat est-ce une bonne chose pour l'Algérie ?» s'est interrogé Ouyahia quand il était encore Premier ministre ! Depuis son hospitalisation en 2005, son action est réduite au strict minimum et le pays fonctionne au ralenti. Cinq ans de trop. Il laisse planer le doute sur son «avenir» politique. Y a-t-il d'autres scénarios en haut lieu ? Là encore, c'est le flou total tant il est peut-être trop tôt pour se prononcer.