L'Algérie détient la palme en termes de révision de la Constitution. Depuis les réformes de 1989 qui avaient consacré le multipartisme, le texte fondamental a connu à quatre reprises des liftings, dont le dernier en date, celui de 2008, qui avait introduit l'amendement relatif à la non-limitation des mandats présidentiels ayant permis à Bouteflika de postuler pour un troisième bail. Dans les pays démocratiques, la Constitution revêt un caractère quasi sacré que l'on se garde de remanier et de triturer au gré des rapports de forces politiques et des majorités en place. Elle est réellement l'émanation de la volonté populaire. Ce qui est loin d'être le cas dans les systèmes politiques fermés comme le nôtre, où il faut toujours se méfier des tentations velléitaires des réformes constitutionnelles décidées en cercle restreint pour des enjeux de pouvoir et non pas pour enraciner les principes démocratiques. Pas plus que les précédentes réformes constitutionnelles qui n'ont pas fait avancer d'un iota la pratique démocratique et les libertés dans le pays, les nouveaux changements constitutionnels – que le président Bouteflika s'est engagé à introduire dans le sillage des réformes politiques globales promises au milieu des révoltes des printemps arabes – sont perçus par beaucoup comme un énième subterfuge pour perpétuer le système en évacuant du débat la question nodale de la séparation réelle des pouvoirs qui fonde toute démocratie. Le débat sur le contenu des amendements constitutionnels – sur lequel il n'y a pas et il ne saurait y avoir de consensus entre le pouvoir et la classe politique, particulièrement l'opposition qui doute, souvent à bon droit, de tout ce qui vient d'en haut – paraît aujourd'hui dépassé et déplacé au regard des événements qu'a connus la scène politique nationale et régionale. Ce qui n'était que supputation devient de plus en plus certitude pour beaucoup : Bouteflika, dit-on, cherche, à travers la révision constitutionnelle, à se tailler un costume de maître de cérémonie dans la perspective des prochaines élections présidentielles. Quel que soit le mode opératoire qu'il aura choisi pour faire passer ses réformes constitutionnelles – voie référendaire ou parlementaire – cela ne changera rien au fond de la problématique, qui reste de savoir si un Parlement aussi décrié et pollué par l'entrée massive de l'affairisme dans l'hémicycle, comme celui en place, pourrait avoir quelque légitimité à se prononcer sur un texte aussi important que la Loi fondamentale du pays. Même si le chef de l'Etat opte pour le choix référendaire – pour paraître comme étant un président se situant au-dessus de la mêlée et des luttes partisanes –, il n'est pas sûr que cette solution soit un gage de mobilisation et de légitimité de la consultation populaire compte du lourd passif de la fraude électorale devenue une seconde nature en Algérie. Ces appréhensions qui sont loin d'être le fait de quelques esprits revanchards donnent du grain à moudre aux voix qui se sont élevées dans la classe politique et la société civile pour plaider en faveur de l'élection d'une Assemblée constituante représentative pour élaborer et voter une nouvelle Constitution qui consacrerait la naissance d'une nouvelle République qui ne soit pas l'otage d'un système ou de clans, mais bien l'expression de la volonté populaire. Les expériences des pays voisins malheureusement déviées de leurs cours donnent un peu plus de poids et de sens à leur combat.