Depuis l'annonce, le 15 avril 2011, des réformes politiques, le chef de l'Etat s'en est tenu à son ordre de priorités et à son calendrier. Quitte à donner l'impression de s'accommoder à des réformes au rabais. Des réformes rabougries car accommodées à l'aigre sauce d'une APN dont le déficit de légitimité démocratique est une simple évidence. Observateurs lucides et démocrates exigeants, analysant l'offre de réforme présidentielle, à l'aune du Printemps arabe, y ont vu des réformes jouées petit bras. Et, parmi eux, il n'y avait pas que des rabat-joie. En effet, on avait du mal à comprendre la logique même de la démarche. Le processus a débuté par une concertation avec un panel de personnalités peu représentatives et pas assez crédibles, dont on n'a jamais d'ailleurs publié les recommandations. Ensuite, l'élaboration des réformes a été le fait de l'Administration, cœur du réacteur nucléaire du régime, dont la vocation est de favoriser le statu quo ante. Donc, par culture, de raboter, édulcorer, freiner, dénaturer même. Ce qui est logique, car on ne peut pas demander à un failli d'être le syndic de sa propre faillite. On n'a jamais vu en effet un régime fabriqué dans le moule de l'autoritarisme, devenir, sur simple injonction, adepte de Rousseau, de Montesquieu et de Tocqueville, d'un coup, d'un seul ! Comme on ne pouvait pas comprendre aussi l'inversion de l'agenda des réformes. On a bien vu que le président de la République a préféré «opérer d'abord des changements au système législatif régissant la vie politique», comme il l'a formulé dans son récent discours de Laghouat. La logique aurait été de commencer d'abord par la révision de la Constitution, l'alpha et l'oméga des réformes, avant d'adopter des textes spécifiques. C'est comme si on avait commencé par des décrets exécutifs avant la mère des lois, la Constitution, même si les textes proposés à l'APN sont des lois organiques. Mais, avec le recul nécessaire, on peut voir qu'il y a une logique dans la logique présidentielle qui ne paraissait pas logique ! Il a fallu donc attendre ce discours de Laghouat, consacré pour l'essentiel à l'université, pour comprendre la logique présidentielle. Et l'on s'aperçoit que le chef de l'Etat, prudent comme un Sioux et complexe comme un Florentin formé comme un Levantin, voulait, en fin de compte, «garantir un climat propice» à des «réformes durables». Dans le verbe garantir, le président Abdelaziz Bouteflika a dû mettre son souci de prendre en compte ce qu'il a appelé un jour les «grands équilibres» dans le pays. Ce qui, de son point de vue, signifie, un pas à pas soucieux d'éviter des heurts entre différents intérêts et une confrontation préjudiciable entre visions contradictoires. Dans tous les cas de figure, favoriser les forces centripètes et éviter l'affrontement avec les forces centrifuges. Ne se confronter finalement qu'à la force inertielle qu'allait immanquablement déployer certaines clientèles politiques du régime. Le souci majeur est donc de faire des réformes paisibles. A moindre coût politique et social, quitte, encore une fois, à prendre le risque de ne pas se montrer, d'entrée de jeu, à la hauteur des enjeux et des attentes, amplifiés par l'onde choc du Printemps arabe. Est-ce à dire que de «petites réformes», même à caractère temporaire, valent mieux que pas de réformes du tout ou des réformes qui auraient reconduit le statu quo ? Et revigoré un régime pourtant reproducteur de l'impasse politique. Finalement, le nœud gordien des réformes serait tranché par la révision de la Constitution par voie référendaire. Une fois que les Algériens se seraient prononcés sur le texte fondamental, le chef de l'Etat aurait alors tout le loisir de revoir les textes déjà votés. Ils apparaîtront alors pour ce qu'ils sont : des réformes préalables au rabais, préparés par une Administration et des politiques hors temps et hors sol. A condition, bien sûr, que la révision de la Constitution soit d'une grande audace démocratique. A la mesure des enjeux du Printemps arabe et des attentes des Algériens. Dans ce cas, le président Abdelaziz Bouteflika n'aurait plus le souci de prise en compte des fameux «grands équilibres». Si elle est profonde, pertinente et audacieuse, la prochaine réforme constitutionnelle créerait une nouvelle dynamique politique et un nouveau climat psychologique dans le pays. Le Président pourrait même renforcer cette dynamique nouvelle par l'organisation de présidentielles anticipées. à nouvelle dynamique, nouveau climat psychologique et paysage politique reconfiguré. Le risque islamiste, c'est-à-dire l'arrivée au pouvoir du salafisme, via les urnes, en serait atténué et même amoindri. Les islamistes, toutes branches et toutes sensibilités confondues, viendraient aux urnes en rangs dispersés et n'auraient pas probablement la majorité confortable nécessaire pour gouverner seuls. Peut-être que dans ces conditions, le candidat qui arracherait les suffrages majoritaires des Algériens, serait une personnalité en mesure de faire la synthèse entre islamisme et nationalisme, les deux étant, par necessité, gestionnaires et pragmatiques . N. K.