Bien que le Samu social soit censé avoir plusieurs missions en faveur des démunis, les brigades du Service d'aide médicale urgente qui sillonnent les artères de la capitale tentent, tant bien que mal, de voler au secours des sans-abri qui occupent les arcades en quête de chaleur en cette saison hivernale. Bien que le centre de Dély Ibrahim offre les conditions d'accueil, le gîte et le couvert et les soins médicaux et psychologiques, une bonne partie des SDF refuse de se réfugier dans la vingtaine de chalets implantés sur un site d'une dizaine d'hectares. Les équipes du Samu social de la wilaya d'Alger peinent, dans nombre de cas, à extirper les «marginaux de la société» des aléas de la rue et les mettre un tant soit peu à l'abri de la dèche et du froid. Si beaucoup de mères de famille et de vieux trouvent un toit pour quelque réconfort et quiétude dans ce site, d'autres, en revanche, préfèrent bourlinguer à travers rues et ruelles de la cité. Ils ne répondent pas à la main tendue du Samu social qui s'échine parfois à leur donner refuge. Ils lui tournent carrément le dos. Plus, ils se montrent agressifs, sortant leur gourdin lorsque le Samu se montre insistant pour les prendre en charge, surtout en cette période de nuits glaciales. A dire vrai, l'acte humanitaire, ça ne prend pas avec eux. Ils n'en ont cure qu'on s'apitoie ou non sur leur sort. On les voit, pourtant, ces pauvres hères errant dans les gares routières, près des cafés et mosquées ou quémandant quelque obole sous les arcades avec leur marmaille, emmitouflés dans des cartons près d'une grille d'une boulangerie d'où s'échappent quelque chaleur du fournil. Peu importe s'ils bravent le froid ou s'exposent aux dangers. L'essentiel est de mendier parmi la foule dans laquelle ils se fondent. De remplir leur besace. Le mendigot réussit, en tendant sa sébile, à engranger entre 3000 et 5000 DA/jour, apprend-on. Des sous sonnants et trébuchants qu'il va «troquer» en billets de mille dinars chez le commerçant du coin. Un beau pactole qu'un travailleur père de famille trime une semaine pour ramasser. Ce pan de société qui meuble le paysage urbain et dont la profession est grassement rémunérée nous renvoie à la citation de William Shakespeare : «ll n'y a que les mendiants qui puissent compter leurs richesses.»