L'oued El Gourzi devient un réceptacle de métaux lourds. Les sources de pollution des sols et de la nappe phréatique de la wilaya de Batna, avec des métaux lourds et des hydrocarbures, se multiplient et s'accumulent. Entre les agriculteurs peu scrupuleux, et des industriels soucieux de la rentabilité de leurs usines, la santé du citoyen de Batna devient hautement menacée par une toxicité environnante. En effet, selon une étude menée par Belkacem Beghiani, maître-assistant en géomorphologie à l'université Hadj Lakhdar de Batna, les taux mesurés sont alarmants. Il est question de plomb, présent dans le sol à hauteur de 0,7486 mg/l; dans l'eau à 0,1206 mg/l et dans la végétation à 0,1005 mg/l. Ce qui se révèle être des taux éminemment supérieurs à la norme. L'une des premières causes est l'irrigation des terres agricoles longeant l'oued El Gourzi avec les eaux usées de la ville de Batna, et celles de Tazoult, qui s'y déversent. La majorité de ces terres sont situées dans la commune de Fesdis (10 km au nord-est du chef-lieu de wilaya). Pour rappel, les exploitants ont été rappelés à l'ordre, lors d'une opération chapeautée par la daïra de Batna, il y a presque une année. Suite à cette opération, des plaintes à l'encontre de certains d'entre eux ont été déposées. Les pompes à eau, les canalisations, ainsi que tout le matériel qui servait à cette irrigation toxique, ont été saisis ou bien détruits. Mais ces agriculteurs peu scrupuleux reviennent à leur dangereuse pratique. A l'heure où nous mettons sous presse, des dizaines d'hectares de terre sont irriguées avec les rejets du réseau d'assainissement, contenant, entre autres, les huiles de vidange de moteurs déversées par les stations de lavage de véhicules, qui s'avèrent comporter, selon le Pr Kamel-Eddine Bouhidel, chercheur en chimie des eaux, des hydrocarbures et épisodiquement des métaux lourds. Ces hydrocarbures sont, selon les explications de ce dernier, hautement toxiques. Abdelkrim Maroc, président de l'APC de Batna, est clair concernant la réglementation qui régit ces commerces. «Il est interdit que les stations de lavage de véhicules déversent les huiles de vidange dans le réseau d'assainissement de la ville. Si nous constatons de telles pratiques, on fermera instantanément le commerce», a-t-il assuré. Les évacuations de la zone industrielle sont aussi pointées du doigt. Selon l'étude mentionnée plus haut, l'analyse des rejets des unités industrielles a permis de montrer que les usines de tannerie, de textile et de batteries, sont les principales sources de rejets de métaux lourds dans l'oued El Gourzi. Les recommandations et les avertissements de la commission de contrôle de l'environnement viennent corroborer, dans le cas de l'usine de tannerie, ce constat. En février de l'année courante, selon le responsable de l'environnement urbain et industriel de la direction de l'environnement de Batna, cette commission a pu constater que ladite usine ne filtrait pas l'eau qu'elle rejette, riche en substances chimiques, et ce, bien qu'elle dispose d'une unité sophistiquée de filtrage, à l'arrêt depuis des années. Le Pr Bouhidel explique que suite à une étude que son équipe a faite sur l'usine de tannerie, il s'avère que dans le cas où l'unité de filtrage serait fonctionnelle, l'entreprise, qui emploie pas moins de 150 salariés, serait face à de grandes difficultés financières. En outre, les déchets des usines de la zone industrielle sont déversés dans un canal qui contourne la station d'épuration des eaux (STEP). L'industrie du chlore serait aussi concernée, car 60% des produits utilisés contiennent du mercure, apprend-on auprès de Charaf Eddine Sedrati, spécialisé en physique du solide. D'autres témoignages viennent s'ajouter aux précédents, à l'image de celui de Chekib Benderradji, directeur de l'office national d'assainissement (ONA).«On a mis en évidence la présence de métaux lourds dans les eaux de la nappe phréatique de Batna. On soupçonne les bijoutiers de jeter leurs déchets dans les égouts», a-t-il déclaré. Ainsi des responsables du secteur et des scientifiques tirent la sonnette d'alarme, mais en vain. Par ailleurs, dans un entretien accordé à El Watan, le responsable de l'environnement urbain et industriel de la direction, explique que la commission de contrôle est formée que de six membres qui doivent couvrir l'ensemble de la wilaya, la direction de l'environnement ne possédant pas de subdivision. Pour sa part, le wali de Batna, a, par le passé, été prévenu de cette situation qui devient critique. Aucune action dans ce domaine n'a été notée, d'autant plus que la vox populi veut que la wilaya de Batna soit la première au classement national du nombre des malades du cancer. Nous sommes devant un sérieux problème de santé publique devant lequel tout laxisme doit être banni. Les autorités doivent prendre leurs responsabilités.