Le cinéma japonais est en superforme ! Hirokazu Kore-Eda l'a, encore une fois, confirmé au 66e Festival de Cannes (jusqu'au 26 mai 2013) avec Tel père, tel fils (Soshite chichi ni naru, en japonais), un bouleversant drame social. Cannes (France). De notre envoyée spécial
Un film qui n'a rien à voir avec la fiction française, Tel père, telle fille d'Olivier De Plas, sorti en 2007. L'histoire, qui se déroule à Tokyo, est simple : deux familles découvrent que les garçons qu'elles élèvent depuis six ans ne sont pas... les leurs. Un échange a eu lieu par erreur à l'hôpital lors de la naissance. C'est le choc ! Que faire ? Midori Nonomiya (Machiko Ono), mère de Keita, résiste difficilement à la mauvaise nouvelle. Idem pour Ryota Nonomiya (Masaharu Fukuyama), un architecte distingué qui croit à la religion de la réussite professionnelle. Perdre Keita, auquel il est attaché, suscite en lui des sentiments presque contradictoires. Ryota reproche en fait à Keita de ne pas être comme lui, «excellent». Il lui impose l'apprentissage du piano, alors que l'enfant s'intéresse à autre chose. Cette famille urbaine sera confrontée aux parents de l'autre enfant. Cette famille vit à la campagne et semble, à première vue, plus joyeuse, plus en harmonie. Là, Hirokazu Kore eda s'attaque, à la manière d'un couturier perfectionniste, au drame profond du Japon contemporain, celui de croire que la technologie et les puces électroniques apportent le bonheur et le confort. Qu'en est-il des sentiments humains ? Du rapport entre les membres d'une même famille ? La mère de Keita n'aime pas que son époux travaille trop, qu'il s'oublie ! Ryota s'en rendra compte, plus tard, lorsqu'il voit l'autre père, rire aux éclats, jouer avec les enfants, défendre sa dignité en refusant l'argent. Cette idée des deux Japon, le Japon des campagnes et le Japon des métropoles, n'est pas totalement fausse. Mais le cinéaste a quelque peu forcé le trait. Son désir de dire tout ce qu'il pense de cette réalité nippone l'a probablement amené à intensifier le propos. Il a évité de justesse les clichés. Hirokazu Kore Eda sait bien qu'il filme les émotions (un territoire qu'il connaît parfaitement, son film, I wish, en déborde !) et qu'il traite un sujet tendre et fragile à la fois. Il le fait avec un souci évident de perfection et d'esthétique. Le cinéaste ne néglige rien. Les premières notes de piano de Keita vont accompagner la fiction jusqu'à la fin. Les notes sont hésitantes, mélancoliques et semblent suggérer un projet inachevé. Elles expriment, en fait, le désarroi des parents partagés entre deux désirs, deux amours. Il n'y a pas de pont. Il faut remonter des pentes glissantes pour arriver à la terre ferme. Les enfants, par leur insouciance et leur innocence, adoucissent, au fur et à mesure, le regard des parents. «En tournant ce film, j'avais envie d'évoquer la vraie signification des liens du sang, car c'est une problématique qui me tient à cœur (...) Je vais sans doute continuer à aborder la paternité dans mes prochains films, jusqu'à ce que j'en comprenne les raisons profondes», a confié Hirokazu Kore eda, lors de la conférence de presse, à Cannes. Le baby-boom japonais des années 1960 avait été marqué par plusieurs affaires d'échanges de nourrissons dans les hôpitaux. Hirokazu Kore Eda s'est inspiré de ce fait d'histoire pour construire une nouvelle intrigue familiale sensible. Hirokazu Kore Eda est déjà auteur d'une quinzaine de fictions et de documentaires, comme Maboroshi (1995), After life (1998), Nobody knows (2004), Air doll (2009).