Les dénonciateurs des malversations et des cas de corruption ne sont pas protégés. Et leur situation inquiète de plus en plus l'Association algérienne de lutte contre la corruption (AACC) qui a décidé d'alerter le Premier ministre, Abdelmalek Sellal. En effet, dans une lettre envoyée au premier responsable du gouvernement, le porte-parole de l'AACC, Djilali Hadjadj, a mis en garde contre les conséquences des sanctions prises contre des fonctionnaires et des agents ayant dénoncé les malversations qu'ils ont constatées. Ce genre de pratiques, explique Djilali Hadjadj, risque de décourager les citoyens honnêtes qui veulent protéger les deniers publics. Dans son document, l'AACC cite l'exemple d'un agent de la Protection civile qui a été sanctionné pour avoir osé dénoncer «des pratiques illégales au sein de la mutuelle de la protection civile» qui gère une manne financière appartenant aux travailleurs de cette structure. Selon cette lettre, dont nous avons obtenu une copie, l'agent en question a reçu une décision de mutation de Constantine pour Tindouf après avoir dénoncé des «malversations», le «non-respect du code des marchés publics», des «surfacturations» et «le non-respect de la législation du travail» au sein de sa mutuelle. «Est-ce-que la récompense de la dénonciation de la corruption dans notre pays est le désert ?», s'interroge Djilali Hadjadj. «Au lieu de punir les corrompus, ce sont des gens fidèles parmi les enfants de la nation qui continue de payer le prix de leur honnêteté en subissant des suspensions arbitraires, des poursuites judiciaires et autres sanctions», déplore-t-il. Selon lui, avant de transmettre le dossier relatif aux dépassements au sein de la mutuelle à la justice, l'agent en question, le caporal Kadi Fath Allah, avait saisi la direction générale de la Protection civile et le ministère du Travail qui est la «tutelle technique des mutuelles». «Tous les documents envoyés à son administration sont restés sans suite», précise-t-on. Et d'enchaîner : «Il est entendu depuis deux mois par des officiers de la police judiciaire du DRS à Alger. Il semble que les officiers qui le reçoivent sont déjà plus ou moins au courant de ce qui se passait dans cette mutuelle», explique encore le porte-parole de l'AACC. La décision portant sur sa mutation envoyée à cet agent le 28 mai dernier est considérée par l'association comme une mesure de représailles. «La réalité de la corruption dans la mutuelle de la Protection civile est connue : c'est un peu à l'image de toutes les mutuelles», indique Djilali Hadjadj, qui précise que cet agent a eu énormément de courage de dénoncer ce qu'il avait constaté. «Très peu de gens ont le courage de dénoncer ce qui se passe au sein des mutuelles, qui sont un nid de corruption inimaginable», dénonce-t-il. L'AACC affirme également que Kadi Fath Allah fait aujourd'hui l'objet de menaces anonymes, notamment au téléphone. «Des menaces assez méchantes. Nous lui apportons notre soutien et nous lui exprimons notre solidarité», écrit Djilali Hadjadj, en demandant au Premier ministre d'annuler la sanction qui lui a été infligée.