Comme à chaque occasion, les chiffres révélés sur l'ampleur de la consommation de la drogue donnent des sueurs froides. L'association de lutte contre l'alcoolisme et la toxicomanie de Constantine et la Fédération des associations d'élèves ont organisé jeudi dernier au centre culturel Ibn Badis, à l'occasion de la Journée de l'enfance, une conférence de sensibilisation sur les méfaits de la drogue et l'ampleur que prend la toxicomanie en Algérie, particulièrement dans les milieux des jeunes. Dans son intervention, Mohamed-Salah Abdennouri, directeur de l'office national de lutte contre la drogue et la toxicomanie, mettra l'accent sur l'ascension plus qu'alarmante de ce phénomène devenu un fléau mondial, puisque son interconnexion avec le crime organisé en fait le deuxième trafic le plus rentable au monde, après la vente d'armes. En effet, le trafic de drogue est estimé actuellement à 500 milliards de centimes et devance de loin les recettes astronomiques engendrées par le pétrole. On saura à l'occasion que l'Algérie reste particulièrement touchée par ce fléau, car voisine du plus grand producteur de cannabis, à savoir le Maroc avec ses 130 000 ha. L'Algérie est ainsi passée d'un pays de transit à un pays de consommation et les quantités saisies d'année en année sont à chaque fois plus importantes. De 6 t saisies en 1992, on est passé à 12 en 2005 ; en 2006, à ce jour, on en est à 9. L'on ne peut évidemment s'empêcher de deviner les grandes quantités qui ont échappé aux contrôles des douaniers, policiers et gendarmes. Ce qui est par contre alarmant, c'est la montée en puissance de la consommation des psychotropes, puisque la quantité saisie en 2006 a augmenté de 87% par rapport à 2005, passant de 227 000 comprimés saisis à plus de 426 000, avec un taux important à l'Est et qui représente 78% des quantités saisies au niveau national, alors que pour le cannabis, le taux le plus important est à mettre au crédit de l'Ouest et le Sud avec respectivement 47% et 38%, alors que celui relatif à l'Est ne représente finalement que 6%. Il est vrai que ces chiffres ne nous donnent pas une idée précise sur la distribution de la consommation du cannabis et des psychotropes par région, mais nous renseignent un peu sur les habitudes de consommation de chaque « secteur ». Il va de soi que la présence importante du cannabis dans l'Oranie est due au voisinage de cette région avec le Maroc. 84 % des consommateurs sont jeunes Par ailleurs, les statistiques montrent que la population la plus exposée à la toxicomanie reste la tranche de jeunes âgés entre 18 et 35 ans, qui représente 84% des consommateurs. Devant toutes ces données alarmantes, il est utile de se poser des questions sur les actions entreprises par le gouvernement en matière de lutte contre la drogue. Le même intervenant reconnaîtra la faiblesse du dispositif de contrôle des organismes concernés et prônera l'adaptation de notre législation aux nouvelles exigences en matière de lutte contre la drogue. Il insistera aussi sur l'introduction de thèmes de sensibilisation dans les programmes éducatifs, car les adolescents sont très exposés à ce fléau du fait de leur curiosité, leur envie d'expérimentation et d'imitation ou l'affirmation de soi et la recherche de sensations éphémères, des attitudes fatales qui conduisent à une dépendance vis-à-vis de la drogue. Ce qui mène directement à la toxicomanie et malheureusement à la perdition. Enfin, le chômage, la crise du logement et la déperdition scolaire semblent être autant de facteurs favorisant la consommation de la drogue. Donc autant de fronts auxquels il faudra s'attaquer en même temps pour lutter contre la drogue. L'intervention du docteur Boudraâ du service de médecine légale du CHU de Constantine montrera que 46% des toxicomanes autopsiés au niveau du service étaient sans profession et que 86% d'entre eux sont décédés de mort violente, alors que la majorité est de sexe masculin.