Accusée de partout de tirer les ficelles dans la grave crise interne en Ukraine, la Russie semble reprendre la main, voire contre-attaquer. En effet, son ministre des Affaires étrangères, Sergueï Lavrov, a déclaré hier que son pays était ouvert à un dialogue «honnête, d'égal à égal» avec les puissances étrangères, sur la situation de l'Ukraine. «Nous sommes ouverts à un dialogue honnête, d'égal à égal et objectif avec nos partenaires étrangers pour trouver un moyen d'aider l'Ukraine entière à sortir de la crise», a-t-il déclaré lors d'une conférence de presse à Moscou avec son homologue tadjik.Lavrov a estimé que ce n'est pas son pays qui a provoqué la crise comme le suggèrent les dirigeants occidentaux. «Cette crise n'a pas été provoquée par nous. Elle a en fait été provoquée en dépit de nos avertissements répétés depuis longtemps», a-t-il ajouté. Lavrov a par ailleurs pointé du doigt l'opposition ukrainienne coupable, d'après lui, d'avoir installé le «chaos et la terreur» suite à la suspension des négociations sur l'accord de libre- échange avec l'Union européenne. «Ce soi-disant gouvernement temporaire n'est pas indépendant et dépend malheureusement des nationalistes radicaux qui ont pris le pouvoir par la force. Il n'y a aucun semblant de contrôle gouvernemental pour maintenir la loi et l'ordre. (...) Le ton est donné par les groupes d'extrême droite du mouvement nationaliste Pravy Sektor qui utilisent des méthodes de terreur et d'intimidation», a-t-il encore affirmé. Ce dernier a d'ailleurs annoncé hier sa décision de se porter candidat à la prochaine présidentielle. L'opposition responsable des tueries ? Lavrov impute la responsabilité de la centaine de victimes aux snipers et qui avaient conduit à la chute du président Ianoukovitch. Il a ainsi demandé officiellement une enquête de l'OSCE sur les responsables de la mort, le mois dernier, de dizaines de personnes à Kiev tuées dans des attaques de snipers, arguant qu'on ne pouvait continuer à «dissimuler» la vérité. A l'appui, le chef de la diplomatie russe brandit l'enregistrement d'une conversation téléphonique entre la représentante de la diplomatie européenne, Catherine Ashton, et le chef de la diplomatie estonienne, au cours de laquelle celui-ci confie que l'opposition ukrainienne au président Viktor Ianoukovitch avait pu être impliquée dans ces attaques. «Les dernières informations sur cette affaire de prétendus snipers ne peuvent plus être dissimulées», a tonné Lavrov lors de la conférence de presse. «Nous avons proposé que l'Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe (OSCE) fasse une enquête objective sur cette affaire, et nous ferons en sorte que justice soit faite» a-t-il précisé. «Il y a eu trop de mensonges, et qui ont été utilisés trop longtemps afin de diriger l'opinion publique européenne dans la mauvaise direction, allant à l'encontre des faits objectifs», a encore ajouté M. Lavrov. Des enregistrements qui désarment l'Occident Une preuve matérielle qui va sans doute détruire l'argumentaire des pays occidentaux qui ont imputé à la police antiémeute de Viktor Ianoukovitch, aujourd'hui destitué, la majorité des violences qui se sont soldées par des dizaines de morts en février à Kiev. Serguei Lavrov signifie ainsi que la Russie ne laissera pas tomber cette affaire. «Si on menait une enquête sur toutes ces choses, je pense qu'un tableau complètement différent serait dressé par rapport à ce que les médias américains et malheureusement certains hommes politiques américains et européens disent», a déclaré hier l'ambassadeur de la Russie à l'ONU, Vitali Tchourkine, à la télévision publique anglophone russe RT. Dans cet entretien téléphonique, qui a eu lieu le 26 février, le ministre estonien a déclaré à Mme Ashton que, selon ses sources à Kiev, «c'étaient les mêmes tireurs embusqués qui ont tué des gens des deux côtés», aussi bien parmi les manifestants que les policiers. Des dizaines de manifestants et environ 15 policiers ont été tués dans les violences. M. Paet, qui avait eu à Kiev des entretiens avec le nouveau gouvernement provisoire le 25 février, a ajouté : «C'est assez troublant que la nouvelle coalition ne veuille désormais plus enquêter sur ce qui s'est vraiment passé», a-t-il ajouté. En février, un autre enregistrement, d'une conversation de la secrétaire d'Etat adjointe américaine, Victoria Nuland, avec apparemment l'ambassadeur des Etats-Unis en Ukraine, Geoffrey Pyatt, et dans laquelle elle critiquait en langage très cru l'Union européenne, avait été rendu public.