Pour tenter de calmer les populations russophones d'Ukraine qui demandent à ce que leurs provinces soient rattachées à la Russie, le Premier ministre s'était engagé, vendredi, à proposer, avant l'élection présidentielle anticipée du 25 mai, des révisions constitutionnelles pour «équilibrer les pouvoirs entre le pouvoir central et les régions». Et il a promis de ne toucher «sous aucun prétexte» aux lois garantissant le statut des langues autres que l'ukrainien. Mais les séparatistes exigent une «fédéralisation» de la Constitution ukrainienne. Ce que refuse le pouvoir pro-occidental de Kiev, non reconnu par Moscou, qui y voit la porte ouverte à un éclatement du pays et refuse d'aller plus loin qu'une «décentralisation». Face à ce «niet», des activistes pro-russes armés ont pris, hier, le contrôle de bâtiments publics dans une nouvelle ville de l'Est russophone de l'Ukraine. Les hommes armés, en tenues de camouflage sans insignes, cagoulés et casqués, se sont d'abord emparés du commissariat du district de Slaviansk, localité d'une centaine de milliers d'habitants située à une soixantaine de kilométres de Donetsk, la capitale régionale. Dans l'après-midi, ils se sont emparés du bâtiment des services de sécurité (SBU) de la même ville, selon la police. Les assaillants ont reçu le soutien d'une bonne partie de la population, qui s'est massée devant les bâtiments, scandant «Russie ! Russie !» Selon la police et la maire de Slaviansk, Nelly Chtepa, les assaillants viennent de Donetsk, où des séparatistes tiennent depuis près d'une semaine le siège de l'administration régionale et ont proclamé une «République souveraine». Les séparatistes, qui tiennent aussi depuis six jours le siège du SBU dans une troisième ville de l'est, Lougansk, réclament le rattachement à la Russie, ou au minimum un référendum pour plus d'autonomie régionale. «Ils demandent un référendum», a confirmé Mme Chtepa par téléphone au site russe lifenews.ru. «Nous sommes tous d'accord», a ajouté la maire, mettant en garde contre toute tentative d'intervention par la force : «Toute la ville fera bouclier pour défendre les gars qui ont pris le bâtiment.» Les troubles dans l'Est ont fait craindre aux Occidentaux une intervention russe, Moscou ayant massé, selon l'Otan, jusqu'à 40 000 hommes à la frontière et le président russe Vladimir Poutine s'étant engagé à protéger «à tout prix» les populations russes de l'ex-URSS. Washington et Kiev ont d'ailleurs accusé les services secrets russes d'être derrière ces soulèvements, ce que Moscou a démenti. Le ministre ukrainien des Affaires étrangères, Andrii Dechtchitsa, s'est entretenu hier avec son homologue russe Sergueï Lavrov. La crainte majeure est la répétition du scénario qui s'est joué en mars en Crimée. M. Lavrov, a assuré vendredi qu'il n'en était rien et que Moscou n'avait aucune intention de rattacher à la Russie les régions russophones de l'est de l'Ukraine. L'annonce, dernièrement, de pourparlers sur la crise ukrainienne a fait naître l'espoir d'une accalmie à moyen terme. Washington a d'ailleurs confirmé, vendredi, que cette réunion quadripartite entre l'Ukraine, la Russie, les Etats-Unis et l'Union européenne se tiendrait le 17 avril à Genève. Mais quoiqu'il en soit, il sera bien difficile aux Occidentaux de garder Donetsk, Lougansk et Slaviansk dans le giron de Kiev. Les populations de ces villes semblent, en effet, avoir déjà fait leur choix.