Fait inédit depuis le déferlement de la violence terroriste en 1990 : les cadres supérieurs de l'Etat, notamment les directeurs centraux et les secrétaires généraux des ministères, vont bénéficier cet été d'un vrai repos. Une source autorisée confie que le nouveau chef du gouvernement, Abdelaziz Belkhadem, a décidé d'octroyer un congé annuel intégral, c'est-à-dire un mois, à tous les cadres de l'Etat qui le souhaitent. Une note des services de la chefferie du gouvernement datée du 13 juin et portant le n°1800 est adressée à toutes les administrations, entre ministères, organismes et institutions de la République, à l'effet de faire leur planning des vacances d'été selon les nouvelles instructions. Ainsi, les cadres de la nation ont le choix de prendre leur congé pour une période de 15, 21 ou carrément 30 jours, est-il souligné dans le document. Les administrations ont été instruites de communiquer la liste des choix de tous les fonctionnaires avant la date butoir du 25 juin. Abdelaziz Belkhadem a posé cependant une condition : « Que le nom de la personne qui assure l'intérim de chaque poste soit indiqué sur les fiches de vœux. » Les cadres supérieurs de l'Etat, privés depuis maintenant 16 années d'un vrai congé de récupération, se frottent les mains après cette « offrande » de Belkhadem. « Vous vous rendez compte, pour une fois, je vais m'offrir des vacances d'un mois avec ma petite famille ! Vous savez, j'en rêvais tellement. Jusque-là, les années se suivaient et se ressemblaient pour nous. Dès le 15 mai de chaque année nous recevions la fameuse instruction du chef du gouvernement limitant les congés à seulement 15 jours. » Notre fonctionnaire, à l'image sans doute des milliers de ses collègues, est aux anges. C'est un vrai ouf de soulagement pour cette corporation qui a dû payer « cash » les dommages collatéraux de la décennie noire du terrorisme en étant maintenus « fixés » à leur bureau. Abdelaziz Belkhadem a donc fait une entorse « historique » aux instructions de ses prédécesseurs, notamment Ahmed Ouyahia, particulièrement intraitable sur le fonctionnement normal des administrations. Même en été. Cette mesure est à interpréter également comme une sorte de fin d'une époque. Celle d'une Algérie soucieuse et instable qui ne pouvait se payer le luxe d'envoyer ses cadres en vacances. Aujourd'hui, les temps semblent avoir changé pour le pouvoir, à l'heure de la paix retrouvée, et il veut se réconcilier également avec ses serviteurs. Cela ne serait-ce que pour donner de la substance à son leitmotiv d'une Algérie « définitivement pacifiée ». Cette mesure met fin à l'héritage de Ouyahia et marque le style de gouvernance façon Belkhadem. Après l'officialisation des augmentations des salaires, impossibles du temps de Ouyahia, le nouveau chef du gouvernement fait là un beau cadeau aux cadres de la nation, qui vont sans doute apprécier. Ceci pour la forme. Dans le fond, l'instruction de Belkhadem met en quelque sorte l'Etat en situation de vacances. Le paradoxe est que cette générosité à l'égard des fonctionnaires, du reste méritée, ne cadre pas avec les chantiers d'Hercule qui attendent le même chef du gouvernement. D'ailleurs, le président de la République lui-même s'est plaint à l'ouverture de la réunion gouvernement-walis des retards énormes accusés dans la réalisation des programmes de développement. « Il faut que nous soyons dans les délais », « il faut rattraper les retards », martelait-il, visiblement inquiet, à l'adresse des ministres et des walis. Il est a priori difficile de concilier le souci avoué d'accélérer la cadence des chantiers et de consentir dans le même temps de mettre l'Etat en vacances. A moins que cette mesure ne soit teintée surtout de populisme au détriment du réalisme économique.