Des «usurpateurs», se faisant passer pour des médecins, exercent depuis plusieurs années, et le plus grave est qu'ils ont été même agréés comme experts auprès des tribunaux. La direction de la santé et de la population de la wilaya d'Oum El Bouaghi a procédé, il y a un mois environ, à la fermeture du cabinet d'un psychologue domicilié à Aïn M'lila, pour exercice illégal» de la médecine. Une fermeture intervenant notamment suite aux multiples plaintes déposées par Dr Laraba Badreddine, un psychiatre exerçant également au niveau de cette commune, et ce au niveau de la DSP d'Oum El Bouaghi, de la justice et du conseil régional de l'ordre des médecins. Mais entre le moment où ce psychiatre a commencé à alerter les instances concernées et la décision de la DSP de fermer le cabinet du psychologue en question, ce dernier a «usurpé», a-t-on appris, la profession de psychiatre depuis plusieurs années, et «délivré des prescriptions de psychotropes à des malades sans avoir les compétences requises», bénéficiant, à cet effet, du laxisme des responsables du secteur de la santé. De plus, il a, nous dit-on, abusé de la confiance des malades et de leur crédulité, en se faisant passer pour un psychiatre, alors qu'il n'en est pas un ! Le plus grave c'est qu'il a également été désigné expert auprès des tribunaux depuis 2006, sachant que son diplôme de psychologue ne lui confère pas ce «privilège», confie, indigné Dr Laraba. Sur les ordonnances délivrées à ses malades, dont des copies sont en notre possession, celui qui est qualifié d'usurpateur mentionne qu'il est psychologue clinicien, ancien praticien des hôpitaux, détenteur d'un C.E.S (certificat d'études spécialisées) en psychopharmacologie et psychothérapie. Au demeurant, il jauge la santé mentale de ses malades et leur prescrit des traitements spécifiques en qualité de psychothérapeute, sans être inquiété le moins du monde. Curieusement, ses ordonnances ne comportent aucun numéro d'inscription au tableau de l'ordre des médecins. Comment cela est-il possible ? Comment peut-on exercer en tant que psychiatre sans être inscrit au tableau de l'ordre des médecins ? Sollicité par la justice, il procède également à des expertises psychiatriques en évaluant la santé mentale de nombreux inculpés pour déterminer leur responsabilité pénale, «contribuant de ce fait à leur blanchiment». C'est ce que nous a été rapporté Dr Laraba, documents à l'appui, dénonçant «des complicités à tous les niveaux». Les autorités sanitaires et judiciaires ignoraient-elles que ce psychologue n'était pas habilité à délivrer des prescriptions médicales, ni à faire des expertises psychiatriques de personnes impliquées dans des affaires de criminalité ? Des complicités à tous les niveaux Outré, Dr Laraba Badreddine décide, en mai 2013, de déposer une plainte pour exercice illégal de la médecine auprès de la justice à l'encontre de celui qu'il qualifie d'«expert-faussaire». Mais la plainte, affirme t-il, n'est pas prise en considération et l'affaire est classée; les accusations du plaignant ayant été jugées «sans fondement». Pourtant, le faux psychothérapeute «n'a pas le droit légalement de faire des prescriptions médicales. Il a une décision d'ouvrir un cabinet en tant que psychologue uniquement, il n'est pas inscrit au tableau de l'ordre des médecins», précise Dr Kherkhach, intérimaire du DSP d'Oum El Bouaghi que nous avons contacté à ce sujet. Ce dernier nous confie également que «la fermeture du cabinet du psychologue est intervenue suite à une inspection effectuée par nos services. Quant au certificat d'études spécialisées mentionné sur l'ordonnance, il est réservé uniquement aux médecins». Autrement dit, la fermeture s'est produite fortuitement. Pour sa part, Dr Laraba affirme avoir saisi différentes instances, depuis plusieurs mois, assurant que «tout le monde est au courant». Aurait-on fermé l'œil volontairement sur les agissements de ce psychologue dont les expertises peuvent influer sur le cours d'une instruction ou d'un procès? Dr Kherkhach avance, à cet effet, «le manque de contrôle et de moyens humains qui favorisent l'exercice illégal de la médecine. Nous sommes quatre chats et nous ne pouvons pas contrôler tous les praticiens privés». Selon certaines sources, ce psychologue aurait pu néanmoins être confondu, il y a longtemps, car les médicaments qu'il prescrit ne sont pas remboursés par la sécurité sociale pour la simple raison que ses ordonnances ne comportent pas le fameux numéro d'inscription à l'ordre des médecins ! Aussi, cette activité, relève Dr Laraba est «réglementée et contrôlée notamment par les services de la police», évoquant, par ailleurs, l'existence d' «un véritable trafic d'expertises à Aïn M'lila». Le conseil de l'ordre ? Pas concerné ! Contacté à sujet, Dr. Djenane, président du conseil de l'ordre des médecins de Constantine, saisi par écrit il y a de cela deux ans déjà par Dr Laraba, a estimé que « le conseil de l'ordre n'est pas concerné par ce cas, il ne relève pas de notre compétence, cela concerne la DSP, mais nous avons toutefois alerté les autorités concernées». Pendant ce temps, en l'absence de réaction de la part des autorités compétentes, Dr. Laraba subissait, selon ses propos, des «pressions de diverses parties». La justice a cessé de faire appel à lui en tant qu'expert et « des instructions ont été données au centre de contrôle médical de la sureté d'Oum El Bouaghi pour rejeter tous les certificats établis par mes soins ajoute t-il dépité par les représailles dont il fait l'objet. Pour d'aucuns, les autorités concernées, informées de cette supercherie, se sont rendues «complices» pour non assistance à citoyens en danger pour avoir été «suivis» par un faux psychiatre usant et abusant de prescriptions de psychotropes. Aux dernières nouvelles, l'on apprendra qu'en dépit de la fermeture «officielle» de son cabinet, ce psychologue exercerait à l'heure actuelle «en douce», nous dit-on, faisant fi de la décision de la DSP d'Oum El Bouaghi. Malheureusement, cette sombre affaire d'exercice illégal de la médecine ne représente qu'un cas parmi tant d'autres à travers l'Algérie, essentiellement quand celles-ci impliquent la complicité des acteurs mêmes qui sont censés représenter et défendre le citoyen algérien. Et c'est justement cette absence de contrôle dont profitent certains individus peu scrupuleux pour exercer la médecine sans en avoir les compétences et les diplômes requis, abusant de la confiance des citoyens. Que faut-il faire pour débusquer ces faux praticiens qui causent du tort aux médecins respectueux des vraies valeurs inhérentes au serment d'Hippocrate ? En dehors du faux psychothérapeute, l'on a appris également l'existence d'un autre faussaire. Encore un ! Un médecin généraliste, cette fois, se faisant passer pour un… neurologue. Etrangement, il exerce lui aussi à Aïn M'lila et les autorités ont été, bien entendu, avisées. L'intérimaire du DSP d'Oum El Bouaghi préconise, à cet effet, «l'ouverture d'un débat national sur le sujet», mais en attendant que les responsables du secteur de la santé et de la justice décident de réagir et sévir, les citoyens continueront à se faire duper par des prétendus médecins qui portent atteinte à une noble profession !