L'ancien membre du mytique groupe marocain Jil Jilala, Mohammed Dirham, demeure toujours aussi humaniste, impliqué et engagé. De Jil Jilala à Saken, c'est un parcours et de la maturité. Quels sont vos nouveaux concepts ? D'abord, m'exprimer comme je le conçois. Il faut savoir que nous ne sommes pas des chanteurs de formation. Nous sommes des comédiens de théâtre et c'est en travaillant dans le domaine théâtral que cette chanson a vu le jour. C'est donc une chanson théâtrale. Pour ma part, je continue à m'exprimer de la même manière, c'est-à-dire chercher dans le patrimoine et arranger. Je ne suis pas attaché à un style ni modelé dedans. Je suis ouvert. Je peux tout aussi chanter du melhoun ou n'importe quoi pourvu que cela me plaise. J'ai besoin de satisfaire mes besoins créatifs. Jil Jilala chantait des textes critiques et même un peu subversifs, y a-t-il un changement dans le nouveau projet ? Jil Jilala chantait ce que j'écrivais. Nous étions deux auteurs, Abdelaziz Tairi et moi-même. Je continue sur ce chemin. Pour résumer, j'emprunte une phrase qui me plaît beaucoup : « Mon souci, mon objectif et ma vocation, c'est d'avoir mal pour les autres ». C'est ça l'artiste, il souffre pour les autres et pour toute sa société. Quelle est la place de Dirham et Jil Jilala dans la nouvelle configuration du marché ? Je sais qu'il y aura une nouvelle chaîne maghrébine qui va être lancée d'ici à septembre. Il y aura un label musical maghrébin qui a déjà fait signer des artistes maghrébins pour la production et le management. C'est donc un nouveau marché qui s'ouvre et une belle perspective pour les artistes maghrébins, y compris ceux qui vivent en Europe. Je m'occupe du label au Maroc. En Algérie, c'est Baâziz, et en Tunisie, Mehdi Amine. Il s'agit d'un projet très ambitieux qui va servir la chanson maghrébine. Ce sera une grande fenêtre sur le monde. Est-ce que cela veut dire que Dirham et les chanteurs comme lui ont encore leur part dans un marché de plus en plus commercial ? Je crois que l'enjeu est de joindre l'utile à l'agréable. Sans l'aspect commercial, on ne peut pas vivre. Le thème d'une chanson peut être vendu, même si c'est un thème engagé, rien ne gêne. Le problème, ce sont ces chansons qui ne portent pas de message et sont commercialisées, et ce courant domine. Au Maroc, on prend les chikhate et on les enregistre parce que ça se vend comme des petits pains, contrairement à ceux qui donnent du travail sérieux qui sert la société. Il y a malgré tout un public qui attend ce style d'expression artistique. Mais le problème qu'on a, c'est celui du piratage qui domine dans le marché. Pour ma part, je ne peux pas négliger le côté commercial. Pour être connu, il faut vendre, mais l'essentiel, les constantes sont toujours là.