Monter une œuvre scénique bien travaillée n'est pas l'apanage du TNA ou des théâtres régionaux dont le bailleur de fonds est l'Etat. L'exemple nous vient de l'association culturelle Igawawen, de Larbaâ Nath Irathen. Deux ans seulement après sa création, elle a réussi à réaliser une comédie musicale digne des plus grandes productions nationales. La générale de cette pièce pour adultes, intitulée Huska, réalisée par Kadem Salim, a eu lieu samedi au théâtre Kateb Yacine de Tizi Ouzou dans une salle archicomble, de l'orchestre au balcon. Deux heures durant, les jeunes garçons et filles de cette troupe, créée en 2013, ont étalé leur talent, alternant chants, danse et interprétation dans leur langue maternelle. Les décors inspirés d'un village kabyle, l'habillage musical, les chants a cappella, les effets spéciaux, les costumes, rien n'est laissé au hasard et tout est habilement porteur de sens. Réel. On n'a plus l'impression d'être dans une salle de spectacles. Même la fontaine kabyle transposée sur scène était «authentique». L'eau coulait entre deux rochers dans une sorte de rigole en bois durant toute la représentation. La trame narrative et chorégraphique de Huska était aussi réussie, de l'avis même des spécialistes du 4e art présents dans la salle. L'histoire a trait à une mythologie berbère, Anzar. Depuis les temps anciens, les Amazighs avaient pensé que pour mettre fin à la sécheresse, il fallait offrir une fiancée au Dieu de la pluie, Anzar, d'où l'appellation en berbère, Tislit n'Ouanzar (La fiancée d'Anzar). Huska est une villageoise qui, par son intelligence et sa beauté, a fait vibrer tous les cœurs des jeunes garçons de son village. Mais la femme est redoutée pour une malédiction qu'elle avait héritée de ses ancêtres. Une raison pour laquelle ces jeunes rechignent devant le désir de la conquérir. Salas, épris de son amour, n'a pas hésité à émettre le vœu de l'épouser et d'affronter cette malédiction. Hind, envieuse du succès qu'a Huska dans son village, tente par tous les moyens de la «casser» en la calomniant afin de briser cette harmonie dont elle jouit au sein de son petit univers. Le charme de Huska n'ayant pas de limite, elle finit par séduire Anzar, le Dieu de la pluie. Du fait, Anzar demanda sa main à deux reprises et lui fait savoir qu'en cas de refus, une sécheresse s'abattra sur son village. Devant le fait accompli, Huska devient indécise. Elle ne manque pas de se poser des questions : céder aux vœux d'Anzar et se porter comme sacrifice au détriment de son cœur ? Refuser et assister à la souffrance et l'usure de son petit monde ? «Cette pièce a nécessité 18 mois de préparation. Les comédiens ont été formés par notre association. J'espère que cette première production théâtrale nous servira de carte de visite pour avoir un minimum de moyens financiers et réaliser quelque chose de mieux», nous dira le jeune metteur en scène Kadem Salim à la fin du spectacle.