Hier, deux missives ont animé la scène politique nationale. Animé, pas plus, dans le contexte de résiliation généralisée qui frappe le pays à cause de la vacance du pouvoir. Celle d'abord de Abdelkader Bensalah, le président du Sénat, qui quitte la tête du RND, après près d'un mois de rumeurs sur le retour d'Ahmed Ouyahia. La lettre adressée hier par Bensalah aux militants, annonçant sa démission, reprend presque mot à mot celle envoyée, en janvier 2013, par son prédécesseur Ouyahia. «Préserver l'unité des rangs» reste un leitmotiv commun aux deux lettres de démission, un leitmotiv bien peu convainquant vu l'opacité qui régit les nomination et la démission des responsables des partis du pouvoir. Ahmed Ouyahia reviendrait prendre les rênes du parti, un parti-appareil qui n'explique ni son programme ni ses ambitions, se confinant dans le rôle de FLN-bis et dans son soutien au programme du président de la République. Ahmed Ouyahia, homme de mission, qui tempère son projet présidentiel tant que Abdelaziz Bouteflika est encore là, s'attelle à son travail comme directeur de cabinet à la présidence de la République, se voit taper sur les doigts par le Président après l'échec des consultations autour d'une réforme constitutionnelle vite oubliée. Un homme de mission discret pour le moment, qui attendrait son heure, mais qui se retrouvera bientôt sous les feux de la rampe avec son possible retour à la tête du RND. Un jeu de chaises musicales qui s'inscrit dans la période trouble d'une interminable fin de règne, où le clan présidentiel, piégé par l'affaiblissement physique du patriarche-président, fait face aux assauts de l'Etat profond qui s'inquiète de la débandade généralisée du pays qui n'arrive plus à faire face à la situation «délicate», pour reprendre l'euphémisme du Premier ministre, Abdelmalek Sellal. Il s'agirait donc d'un repositionnement, de bouger le pion (la tour, le cheval ?) Ouyahia pour préparer un avenir encore incertain, pas seulement comme candidat à la succession, mais plutôt comme challenger ou, au moins, comme une garantie de stabilité dans un des compartiments du pouvoir. Suite des aventures du soldat Ouyahia le 10 juin, lors du conseil national du parti. L'autre missive qui a marqué la journée politique d'hier est la lettre du président Bouteflika au 10e congrès controversé du FLN. Juste un détour par le plébiscite, hier, du chef de l'Etat comme «président» du parti, alors qu'il en était depuis 2005 le «président d'honneur»… poste qui n'existe pas dans les statuts du parti. Pour revenir à cette missive, que certains opposants à Amar Saadani vont même jusqu'à douter de l'identité de son auteur, elle énonce clairement un soutien à l'actuelle direction. «Je tiens à mettre en avant le mérite de vos dirigeants qui ont su préserver la cohésion de la structure de ce parti historique», a écrit donc, en principe, le président Bouteflika, qui évoque un peu plus loin et sans préciser sa pensée «moult tentatives de déstabilisation qui ont ciblé (le FLN) au cours des dernières années». Qui est visé par cette accusation ? Abderrahmane Belayat, chef de file des anti-Saadani, qui nous décrivait hier ce 10e congrès comme une «nouvelle étape du hold-up sur le FLN» ? Les «historiques» comme le rival de Bouteflika à la succession de Bouemdiène, Mohamed Salah Yahiaoui, qui a rejoint les frondeurs ? Le patron du DRS, attaqué frontalement par Saadani et qu'on dit (selon Mohamed Chafik Mesbah) très attaché au parti ? Bouteflika, malheureusement, ne le précise pas. Seul compte à ses yeux ce soutien à Saâdani puisque, selon notre source à la Présidence, «Bouteflika souhaite faire taire ceux qui prétendent que Saadani n'est pas connecté au Président». Mais la lettre signe surtout l'échec du projet de Bouteflika : il appelle le FLN à «se positionner à l'avant-garde de l'incontournable processus de renouveau national». Renouveau national basé, selon Abdelmalek Sellal, sur la révision constitutionnelle et l'«achèvement du processus des réformes politiques». Deux projets remis aux calendes grecques avec, en plus, l'échec cuisant reconnu à demi-mot par Sellal, cette semaine, dans le domaine de l'économie. Sellal qui, lui, comme pour incarner sa complicité dans ses échecs à répétition, a marqué hier de sa présence les travaux du 10e congrès. Le serpent des quinquennats bouteflikiennes se mord la queue.