Des factures de consommation d'électricité et d'eau sont envoyées à des abonnés anonymes dans des sites AADL au lotissement Aïn Malha, Aïn Naâdja (Alger). Les agents de Sonelgaz et Seaal acheminent ces quittances, qui ne portent pas de noms bien déterminés, mais tout juste des XXX. Renseignements pris, les logements en question ne sont pas encore attribués. Comment expliquer alors le montant des consommaticiens relevé sur les quittances d'électricité et d'eau ? «Les services de la Gest-immo, filiale de l'AADL, considèrent ces logements comme non attribués, donc inoccupés. Le montant à payer indiqués sur la facture d'eau est de 10 255 DA, donc, soit il y a une fuite quelque part, soit le logement est squatté sans, à première vue, que le gérant du site ou les services de la filiale de l'AADL soient au courant», estime une source au niveau de l'agence AADL d'Alger, qui a requis l'anonymat. Selon cette source, il y aurait une centaine de logements qui n'ont pas été livrés sur un quota de 55 000 distribués au titre des programmes 2001-2001.Ce chiffre serait autrement plus important, selon une autre source au ministère de l'Habitat, qui en estime le nombre à quelques milliers dans la seule wilaya d'Alger. Le ministre de l'Habitat, Abdelmadjid Tebboune, a pourtant annoncé la «clôture» du programme 2001-2002 par la remise des clefs à 612 souscripteurs des sites de AADL de Belle-Vue à Aïn Benian, et de Draria (Alger) en mars 2014. Depuis cette date, il est indiqué que l'AADL n'accepte en bonne logique aucune inscription puisque ne disposant pas de nouveaux appartements. Fermés à double tour, des appartements sont, toutefois, attribués en dehors du programme 2001-2002 (AADL 1). Les services de l'Agence ont affecté des logements à des souscripteurs retardataires, qui se sont inscrits après la clôture de l'opération. Bénéficiant d'entrées en haut lieu, ces postulants ont normalement reçu leurs actes et clefs. Un cas a fait les choux gras des médias, celui du fils du wali d'Alger, Abdelkader Zoukh, qui a, par l'entremise de son pére nouvellement installé dans la capitale, bénéficié d'un logement sur le site d'Ouled Fayet où une vingtaine de logements seraient, selon le voisinage, restés inoccupés, puisque jamais attribués. Zoukh, visiblement embarrassé par les révélations de la presse, saura s'en sortir par une pirouette : son fils est un Algérien, et donc il a droit à un logement comme tout le monde. Mais ce que semble oublier le wali, c'est que l'AADL n'arrive même pas à «loger» les anciens souscripteurs «retardataires» (terme employés par l'établissement) du programme AADL 1 (100 000). Pourquoi une telle situation et à qui bénéficie ces quotas «hors circuit» ? Les appartements non attribués serviraient à «entretenir» une clientèle portée sur l'acquisition de immobilier. «Des personnalités bien placées exigent un quota pour eux et leurs familles. Cela ne dérange plus personne. C'est même devenue la règle. Avoir un logement AADL, qu'on ferme juste après l'avoir acquis, est pour certains un signe de ‘‘promotion sociale''.» Je connais un importateur de viande qui a acquis un logement AADL qu'il n'occupe même pas. Des cadres de différents corps de l'Etat en ont acquis aussi. Les appartements sont cédés à des proches ou des copains, signale notre source de l'Agence. Plus de 20% de logements sous loués ! En plus des logements vides, l'Agence connaît le phénomène de la sous-location. Plus, selon notre source, de 20% de logements seraient concernés par ce problème. «Sur les 55 000 de logements attribués, plus de 20% ont été sous-loués par leur ‘‘primo-bénéficiaires'', donc le chiffre dépasse les 12 500. Cette opération est interdite par la loi, mais cela n'a pas empêché une situation qui touche également des logements sociaux de l'OPGI, et dans une même proportion», précise notre source, qui assure que les services de la gestion immobilière ont remarqué également une forte proportion de retards dans le payement des loyers. L'établissement explique cette situation par l'absence d'un fichier national qui aurait permis de «débusquer» les fraudeurs ayant bénéficié des aides de l'Etat. «L'Etat a octroyé des logements à des gens qui ont déjà bénéficié de ses aides (terrain à bâtir, aides pour l'habitat rural, chalets pour les sinistrés, etc.). Les bénéficiaires de logements, devenus de véritables rentiers, ont tendance à les sous-loués, ou à les laisser, faible proportion, fermés. Des situations rocambolesques ont eu lieu à Alger. Comme ce ressortissant libanais qui a loué un appartement AADL à Bab Ezzouar et l'a transformé en boîte de nuit. De jeunes étudiantes, venues de l'intérieur du pays sont ‘‘employées'' par ce Libanais. Il a fallu l'intervention des services de sécurité pour interpeller les mis en cause et ainsi découvrir le pot aux roses», s'étonne notre source. Quelles sont les solutions des autorités (gouvernement, département de l'Habitat, Agence, Gest-immo) pour mettre un terme à ce phénomène ? L'AADL n'est, semble-t-il, pas décidée à «faire sortir» les indus bénéficiaires. «Quelques dizaines de dossiers ont été traités par les gestionnaires. La loi nous autorise à résilier les contrats de location-vente de ces fraudeurs ou ceux qui ne payent pas au bout de trois mois. Ni la société-mère ni la justice n'est prête à faire sortir les bénéficiaires. Pourtant la loi est claire, pas de cessibilité, pas de sous-location. La situation est difficile, puisque des complicités sont à tous les niveaux. La volonté n'y est pas aussi», regrette notre interlocuteur. Pourtant les implications sécuritaires et sociales d'une telle situation sont importantes. «L'Etat ne sait pas qui occupe ces logements. Un mouvement subversif, tels que Daech, peut occuper des appartements et organiser une action terroriste sans que les services de sécurité soient informés. Des milliers de logements sont occupés par des gens et l'administration ignore tout de leur nombre, de leurs lieux de retrait, etc. La plupart du temps, ces familles sont dans le besoin. Moi, je suis pour qu'on leur cède ces appartements et qu'on poursuive en justice les fraudeurs rentiers, qui profitent des aides de l'Etat», relève notre source de l'Habitat.