Quatre ans après le renversement de Mouammar El Gueddafi, les pays du Maghreb et du Sahel en veulent encore beaucoup aux Occidentaux. Ils considèrent que le chaos généralisé actuel aurait pu être évité si la situation avait été gérée autrement. Le nouveau représentant spécial du secrétaire général des Nations unies pour la Libye, l'Allemand Martin Kobler, réussira-t-il là où l'Espagnol Bernardino Leon a échoué ? Difficile à dire. Toutefois, M. Kobler part avec un avantage certain, celui de ne pas traîner de casseroles et de bien connaître le Monde arabe. En attendant qu'il se mette au travail et surtout qu'il maîtrise les subtilités du dossier de l'ex-Jamahiriya, des responsables des pays voisins de la Libye (Algérie, Tunisie, Egypte, Niger, Tchad et Soudan) se sont retrouvés, hier à Alger, pour faire le point sur la situation dans le pays. Cette réunion, «qui s'inscrit dans le cadre des efforts visant à parvenir à un règlement politique à la crise la Libye», à laquelle assistent des représentants libyens et Martin Kobler, intervient à un moment où la communauté internationale redoute fortement que la Libye devienne la nouvelle place forte du groupe terroriste autoproclamé Etat islamique (Daech), notamment depuis que beaucoup de ses éléments ont quitté le Proche-Orient pour l'Afrique du Nord. L'intervention russo-occidentale en Syrie et en Irak explique pour beaucoup ce mouvement de terroristes. La multiplication d'attentats terroristes dans la région, particulièrement en Tunisie et en Egypte, revendiqués par Daech, conforte l'idée en tout cas que les chefs du groupe terroriste veulent maintenant s'implanter en grand nombre et dans la durée en Afrique. Cette sombre perspective inquiète bien évidemment beaucoup les pays voisins de la Libye qui craignent une jonction entre la «filiale» libyenne de Daech et Boko Haram, un groupe ayant fait allégeance à l'EI le 7 mars 2015 et qui est considéré actuellement comme le groupe terroriste le plus sanguinaire au monde. Il a déjà fait près de 7000 morts. Tout le monde convient que la prise en charge du problème du terrorisme en Libye devient une question des plus pressantes, surtout que le Sahel est déjà infesté de groupes terroristes. Mais pour que la lutte contre Daech soit efficace, les pays voisins à la Libye partent du principe qu'il y a d'abord lieu de mettre fin à la guerre civile qui paralyse les institutions libyennes depuis 2011 et de convaincre les gouvernements de Tripoli et de Tobrouk de s'entendre sur un gouvernement d'union nationale. Sans solution politique préalable, l'on soutient que la lutte antiterroriste ne sera qu'un coup d'épée dans l'eau. Et le principe, pour justement une question d'efficacité, est de faire en sorte à ce que les Libyens, «une fois réconciliés», soient les premiers à se saisir du problème du terrorisme. Les risques d'une intervention militaire Quatre ans après le renversement de Mouammar El Gueddafi, les pays du Maghreb et du Sahel en veulent d'ailleurs beaucoup encore aux Occidentaux. Ils considèrent que le chaos généralisé actuel aurait pu être évité si la situation avait été gérée autrement. Autrement dit, la Libye n'aurait pas été ce qu'elle est aujourd'hui si la communauté internationale avait laissé l'Union africaine régler la crise pacifiquement, comme elle avait proposé de le faire. Et El Gueddafi n'y était pas opposé. C'est l'idée, en tout cas, que le ministre algérien des Affaires étrangères, Ramtane Lamamra, a défendue hier dans un entretien accordé au journal britannique The Independent. Il a soutenu que «l'intervention militaire étrangère en Libye a empêché les Libyens d'aller vers une transition pacifique». M. Lamamra considère, en outre, qu'«une intervention militaire étrangère peut devenir une partie du problème et non une partie de la solution». Celle-ci, a-t-il affirmé, «augmente la probabilité d'activité terroriste et de déstabilisation dans les pays qui sont opposés à une telle démarche». Afin d'éviter de tomber dans des solutions de facilité qui peuvent s'avérer sur le tard coûteuses, la réunion d'Alger, la 7e du genre, se fixe justement pour objectif d'accorder les violons de tous les acteurs concernés par le dossier libyen et d'identifier, entre autres, les obstacles qui empêchent encore les deux gouvernements rivaux d'enterrer la hache de guerre et de jeter les bases d'une réconciliation durable. En plus donc de plaider, une nouvelle fois, pour la mise en place d'un agenda unique, la rencontre a été l'occasion aussi pour les pays voisins de la Libye, comme l'a répété hier Abdelakader Messahel, le ministre algérien pour les Affaires maghrébines et africaines, de réitérer leur «appui» au processus de paix en cours, piloté par les Nations unies. Un processus que l'on espère qu'il sera respecté scrupuleusement par Ban Ki-moon et la communauté internationale.