En marge du 6é Festival international du film engagé d'Alger, une rencontre portant sur «Pourquoi est-il important d'enseigner le cinéma ?» s'est déroulée, dimanche matin, à la Cinémathèque algérienne. Cette rencontre enrichissante à plus d'un tire a permis à l'assistance de suivre deux interventions de haute portée, signées par le spécialiste algérien du cinéma, Ahmed Béjaoui, et par le cinéaste et professeur émérite français Guy Chapouillié. Pour le professeur de l'université Alger 3, Ahmed Béjaoui, il est impératif d'enseigner le cinéma dans l'organisation éducative. Ahmed Béjaoui rappelle que l'Algérie comptait dans un passé récent plus de 450 salles de cinéma. En 1962, il y a avait des centaines de points de projection itinérants à travers le territoire national aidés en cela par des projectionnistes agréés. Selon ce spécialiste, le cinéma a tracé des liens et des lieux de diffusion, destinés à plusieurs générations. Si par le passé des gens ont été nourris de cinéma, aujourd'hui, le constat est plutôt amer. La Cinémathèque algérienne détient, certes, son circuit, mais il y a un désintéressement total de la part du public. L'interlocuteur révèle que les étudiants admis en master n'ont jamais vu de films. Ahmed Béjaoui est catégorique. Il faut réintroduire l'enseignement et l'amour du cinéma en Algérie, et ce, dés l'école primaire. «Il est dramatique qu'un enfant grandisse sans avoir vu un film. Je suis prêt à entrer en campagne pour une sensibilisation. Qu'est-ce que cela coûte de prévoir la projection de deux films par année dans une école ? Dans 10 à 20 ans, ce sont des gens qui auront vu 30 à 40 films», dit-il. Toujours selon le conférencier, il est urgent d'introduire le goût pour le cinéma. Ce retour aux salles obscures viendra, justement, par l'éducation de l'enfant qui, en grandissant, et à force de regarder des films, sera le cinéphile de demain. Dans son intervention, Guy Chapouillié est revenu sur son amour pour le cinéma et sur la création de l'Ecole supérieure de l'audiovisuel (ESAV) de Toulouse. L'orateur se souvient que son premier voyage en Algérie remonte à 1996, plus précisément à Tigzirt pour assister à un événement cinématographique par cinébus, organisé par une association cinématographique. Il y avait, se souvient-il, des débats sur la place publique. Les questions fusaient de toutes parts. Guy Chapouillié est convaincu que le cinéma ouvre le dialogue et invite aux sourires et aux pleurs. Le cinéma est également un morceau de la mémoire. L'hypothèse de ce professeur, c'est que le cinéma peut être un rempart contre l'oubli. Pour notre orateur, il faut enseigner les fonctions du cinéma en fixant les choses afin qu'elles ne s'échappent pas. L'histoire a fait du cinéma une nécessité. Toute salle de cinéma est un phare culturel. «Un film n'est pas une affaire de presse-bouton, mais d'apprentissage et de contenu. Il faut que le cinéma s'impose comme une discipline obligatoire dès la maternelle. Pour enseigner le cinéma, il faut s'appuyer sur des repères», précise-t-il. Guy Chapouillié a travaillé pendant dix ans dans une université à Paris avant de se décider à rejoindre Toulouse pour créer une école supérieure publique d'audiovisuel. A travers cette école, il a voulu ouvrir une sorte de brèche dans le cinéma français pour, notamment, offrir un cadre propice à de nombreuses expériences de réalisation. Les étudiants suivent un cursus de deux ans de généraliste. Ils sont évalués sur leurs capacités à faire des films.