Ou de Assia Djebar à Zineddine Zidane, par un raccourci alphabétique sans doute contestable. Il est vrai, a priori, que la littérature n'a rien à voir avec le football. La première se noue sur une feuille A 4, tandis que la seconde se joue sur une pelouse d'au moins 4050 m2. On pourrait s'amuser ainsi à recenser toutes les différences et incompatibilités entre les deux. En revanche, on pourrait aussi évoquer de nombreuses passerelles et, sans forcer le trait, trouver des dribbles littéraires dans les romans de Assia Djebar comme des métaphores dans les passes mythiques de Zidane. Quoi, la notion de style ne transcende-t-elle pas toutes les disciplines ? Ils sont aussi tous les deux parmi ceux qui assurent une énorme présence de l'Algérie dans le monde. Sur un moteur de recherche gargantuesque, l'écrivaine totalise 278 000 références, Zidane près de 24 millions ! C'est 85 fois plus pour celui-ci. Mais, ramené aux audiences respectives de la littérature et du football, Assia Djebar s'en tire avec panache. De plus, avec Zizou, on ne parle que de temps à autre de l'Algérie, le spectacle laissant souvent muet ou hurlant, tandis que l'écriture d'Assia plonge constamment dans le pays. On dira ici que Yasmina Khadra recueille 390 000 références. Ce serait donner plus d'importance à ces chiffres qu'ils n'en ont. La richesse d'une littérature se mesure avant tout à son apport spirituel, encore que la mondialisation de l'édition conduit à une marchandisation forcenée des livres et des auteurs. Or, notre chère écrivaine, à peine adoubée à l'Académie française, se voit nominée à la suprême distinction mondiale : le prix Nobel de littérature. Aujourd'hui, sinon jeudi prochain, nous serons fixés sur ses chances de monter les marches de Stockholm et devenir ainsi la première femme des mondes arabe, africain, musulman et Tiers réunis, à obtenir ce prix. Cependant, avoir été citée trois fois est déjà en soi une fameuse récompense. Rien n'est joué, comme disent toujours les entraîneurs. La concurrence est rude : Adonis, Kundera, Roth, Pamuk… Ajoutez les arcanes du Nobel aussi compliqués que ceux de la FIFA, les pronostics aussi aléatoires qu'au dernier Mondial. De deux choses l'une. Assia Djebar obtient le Nobel et nous en serons terriblement fiers, notre affect collectif galvanisé. Dans la foulée, nous oublierons la pauvre situation de l'édition et de la littérature dans notre pays, de la même façon qu'un seul but de l'artiste nous faisait oublier la foire d'empoigne de notre football, l'auteur de ces lignes ne s'excluant pas de ces douces bouffées d'inconscience. Elle ne l'obtient pas et, là, nous n'aurons pas à oublier l'édition de notre pays. Nous n'y penserons même pas. Tristesse, elle ne pourra pas nous consoler en infligeant un zellif au thorax du vénérable secrétaire de la Fondation Nobel. Se souviendra-t-on alors que dans le parler populaire, le zellif désigne aussi une tête bien pleine ? Bon, cela dit, pourvu qu'elle l'ait. One, two, three, viva…