Force est de constater et surtout de regretter que la date du 8 Mars soit utilisée comme un hochet pour plaire à un large pan de la société en quête du droit à la dignité et à la citoyenneté. A défaut de mesures concrètes et courageuses, le président de la République se contente d'effets d'annonce sans lendemain… Après avoir ordonné au gouvernement, le 8 mars 2015, une réforme des dispositions du divorce, le président de la République revient une année après (8 mars 2016) pour demander au même gouvernement la levée des réserves émises lors de la signature de la Convention internationale de lutte contre les discriminations à l'égard des femmes (Cedaw) ratifiée en 1996. Ces réserves sont au nombre de quatre, dont une, relative à la nationalité, est devenue sans objet après l'adoption des nouvelles dispositions du code de la nationalité, qui reconnaissent aux femmes le droit de donner la nationalité algérienne à leurs enfants. Restent trois autres que l'Algérie estime contraires au code de la famille. La première concerne l'article 2 de la Convention qui exige des Etats-parties de prendre toutes les mesures légales pour condamner et lutter contre la discrimination à l'égard des femmes sous toutes ses formes et de s'engager à inscrire dans leur Constitution nationale, ou toute autre disposition législative appropriée, le principe de l'égalité homme-femme, à assurer par voie de législation ou par d'autres moyens l'application effective dudit principe, à adopter des mesures législatives et d'autres mesures assorties, y compris des sanctions en cas de besoin, interdisant toute discrimination à l'égard des femmes, à instaurer une protection juridictionnelle des droits des femmes sur un pied d'égalité avec les hommes et garantir, par le truchement des tribunaux nationaux compétents et d'autres institutions publiques, la protection effective des femmes contre tout acte discriminatoire, à s'abstenir de tout acte ou pratique discriminatoire à l'égard des femmes et faire en sorte que les autorités et les institutions publiques se conforment à cette obligation (...) à prendre toutes les mesures adéquates, y compris des dispositions législatives, pour modifier ou abroger toute loi, disposition réglementaire, coutume ou pratique qui constitue une discrimination à l'égard des femmes et à abroger toutes les dispositions pénales qui constituent une discrimination à l'égard des femmes. La deuxième réserve concerne l'article 15 de la Cedaw, qui exige de reconnaître à la femme «l'égalité avec l'homme devant la loi, et en matière civile, une capacité juridique identique à celle de l'homme et les mêmes possibilités pour exercer cette capacité, qu'ils lui reconnaissent aussi des droits égaux en ce qui concerne la conclusion de contrats et l'administration des biens et leur accordent le même traitement à tous les stades de la procédure judiciaire». Il est aussi exigé que «tout contrat et tout autre instrument privé, de quelque type que ce soit, ayant un effet juridique visant à limiter la capacité juridique de la femme soient considérés comme nuls et qu'ils reconnaissent à l'homme et à la femme les mêmes droits en ce qui concerne la législation relative au droit des personnes à circuler librement et à choisir leur résidence et leur domicile». La troisième réserve concerne l'article 16 qui oblige les Etats-parties à prendre «toutes les mesures nécessaires pour éliminer la discrimination à l'égard des femmes concernant toutes les questions découlant du mariage et dans les rapports familiaux et, en particulier, à assurer sur la base de l'égalité de l'homme et de la femme le même droit de contracter mariage, de choisir librement son conjoint et de ne contracter mariage que de son libre et plein consentement, à garantir les mêmes droits et les mêmes responsabilités au cours du mariage et lors de sa dissolution, les mêmes responsabilités en tant que parents, quel que soit leur état matrimonial, pour les questions se rapportant à leurs enfants ; dans tous les cas, l'intérêt des enfants sera la considération primordiale, de décider librement et en toute connaissance de cause du nombre et de l'espacement des naissances et d'avoir accès aux informations, à l'éducation et aux moyens nécessaires pour leur permettre d'exercer ces droits de responsabilité en matière de tutelle, de curatelle, de garde et d'adoption des enfants, ou d'institutions similaires, lorsque ces concepts existent dans la législation nationale ; dans tous les cas, l'intérêt des enfants sera la considération primordiale, les mêmes droits personnels au mari et à la femme, y compris en ce qui concerne le choix du nom de famille, d'une profession et d'une occupation, les mêmes droits à chacun des époux en matière de propriété, d'acquisition de gestion, d'administration, de jouissance et de disposition des biens, tant à titre gratuit qu'à titre onéreux...». La dernière réserve a trait à l'article 29 de la Cedaw qui prévoit le recours à l'arbitrage international en cas de différend entre deux ou plusieurs Etats-parties concernant l'interprétation ou l'application de la Convention, alors que l'Algérie exige, dans une telle situation, «le consentement de toutes les parties au différend». Pour des sources bien informées, ces réserves «étaient déjà sur la table des discussions entre experts. Elles ont en grande partie été rendues caduques en raison de l'amendement du code de la famille en 2005 et de la récente promulgation de lois relatives aux violences à l'égard des femmes, la légalisation du droit à l'accès aux postes de responsabilité et à l'institution du système de quota dans les instances électives». On se demande alors pourquoi le Président, qui détient toutes les prérogatives et les pouvoirs, de changer les lois, lance-t-il un appel pour la levée de ces réserves ? N'est-il pas en mesure de prendre des mesures pour réparer ce qu'il a qualifié d'injustices à l'égard des femmes ? Pourquoi de tels effets d'annonce alors que l'ordre qu'il avait donné au gouvernement de Abdelmalek Sellal, le 8 mars 2015, il y a une année, pour revoir les dispositions du code de la famille ayant trait au divorce n'a pas été exécuté puisque, jusqu'à hier, aucun projet d'amendement de ces dispositions n'est à l'ordre du jour ? Force est de constater mais aussi de regretter que la date du 8 Mars soit agitée comme un hochet pour plaire à un large pan de la société, en quête d'un droit à la dignité et à la citoyenneté.