Si l'investissement budgétaire a souvent été critiqué, il est temps aujourd'hui, d'après Abderrahmane Benkhalfa, de le repenser, de le réformer, de mettre le cap sur l'investissement économique. Le ministre des Finances, Abderrahmane Benkhalfa, a tenté de défendre, hier bec et ongles, les choix du gouvernement en matière de mobilisation des moyens de financement supplétifs. Dans cette quête de nouvelles ressources de financement de l'économie, «nous avons une politique à trois voies : l'optimisation des recettes de la fiscalité ordinaire, l'optimisation des ressources disponibles et l'optimisation de l'endettement, qu'il s'agisse de l'endettement interne, dans une première phase, ou de l'endettement extérieur», a indiqué le ministre des Finances, invité hier dans les studios de la Radio nationale. Le ministre s'était adonné à un long exercice de «dédiabolisation» de l'endettement, n'y voyant point un «tabou». Visiblement, le débat sur l'option de l'endettement extérieur agace l'Exécutif. Depuis quelques semaines, alors que le retour à l'endettement extérieur se précisait avec l'option de faire financer certains projets d'équipement par le moyen d'une levée de fonds sur le marché international, économistes et politiques se déchirent… sur les risques d'une telle opération. Hier, Abderrahmane Benkhalfa s'est dit animé par une détermination de mettre des points sur les i au sujet de l'endettement. Selon le ministre, «la dette n'est pas un risque, mais c'est l'usage qui en est un. Une dette bien utilisée est un levier de croissance». Si certains n'hésitent pas à appeler ouvertement à évincer l'option de l'endettement extérieur du «mix-financement» pour lequel aspire le gouvernement, à commencer par l'ancien ministre des Finances, Abdellatif Benachenhou, pour avoir subi, au forceps, le désendettement, l'actuel premier argentier du pays n'y voit aucun inconvénient. «Les moyens de mobilisation internes ne suffisent pas pour garder le cap de la croissance et la dynamique économique. La dette n'est pas un tabou, pourvu qu'elle n'apporte pas de risques, n'entraîne pas la garantie de l'Etat, qu'elle ne soit pas conditionnée et qu'elle soit calibrée par rapport aux rendements», explique le ministre des Finances. Il souligne sur sa lancée qu'«une dette bien ancrée sur un projet rentable, quelle que soit son origine, interne ou externe, n'est pas une mauvaise voie, mais une voie d'avenir». Il a donné un aperçu sur l'objectif de cet endettement qui, au final, doit couvrir financièrement des investissements économiques et projets rentables. Cette option de l'endettement, tant en interne par le moyen de l'emprunt obligataire national, qu'à l'externe, s'apparente à une phase II du plan anticrise amorcé depuis le début de l'exercice dernier. Pour le premier argentier du pays, il est donc absolument nécessaire de revenir à un modèle de l'économie qui repose sur des financements alternatifs. Après avoir installé l'année dernière le dispositif de mise en conformité fiscale volontaire, grâce auquel les banques ont encaissé 140 milliards de dinars, le gouvernement entend lancer, en avril, un emprunt obligataire national au taux de rémunération de 5%. «C'est un emprunt ouvert sur six mois qui vise à lever le maximum de ressources. C'est une obligation souveraine, la moins risquée. C'est de l'argent qui va dans le financement de l'investissement, des projets ferroviaires, de nouveaux ports, d'autres ports à Arzew et à Annaba, l'activité minière…», explique le ministre. D'autres entreprises vont assurément lever des fonds sur le marché obligataire, admet le ministre qui, dans la foulée, estime que le marché interne ne suffit pas à lui seul à soutenir «le cap de la croissance, la dynamique économique et le niveau des dépenses d'équipement». Outre l'endettement interne et externe, le ministre des Finances table sur un apport de 3200 milliards de dinars de la fiscalité ordinaire en 2016, contre 1600 milliards de dollars pour la fiscalité pétrolière. Dans un contexte où la place bancaire vit un véritable challenge, celui de capter l'épargne des ménages et des entreprises, la politique des intérêts doit accompagner ce défi, selon le ministre qui a promis de faire sauter le verrou de la rémunération des dépôts. En somme, si l'investissement budgétaire a souvent été critiqué, il est temps aujourd'hui, d'après Abderrahmane Benkhalfa, de le repenser, de le réformer, de mettre le cap sur l'investissement économique qui reste pour le moins marginal. Au plan de la dépense sociale, le ministre a estimé que «le coût de l'intervention de l'Etat devient démesuré. Il faut qu'il soit désormais ciblé et équitable. L'intervention de l'Etat doit être plus efficiente». Allusion faite à la politique des subventions, dont la solidarité nationale constitue sa ligne rouge, précise M. Benkhalfa. Sur la récurrente question de la valeur du dinar, le premier argentier du pays explique que le pouvoir d'achat de la monnaie nationale dépend de la compétitivité de l'économie algérienne.